Deux novembre, jour des Morts.
Pendant quelques instants nous nous sommes détachés de nos obligations militaires pour honorer la mémoire de nos chers camarades morts pour la Patrie.
Tous, croyants, indifférents ou profanes, nous avons été réunis par la même idée pieuse et reconnaissante.
Parents, camarades et chefs, qui êtes tombés depuis le début de ce gigantesque duel, vous avez dû tressaillir dans vos couches glacées ! Pour évoquer vos vertus, pour les magnifier, nous avons mis tout notre amour, toute notre âme !
Votre image, soudain matérialisée, nous est apparue majestueuse et grandie.
Et, comme ce jour des Morts, ne peut plus être que votre jour de fête, nous avons déposé sur vos tombes, avec respect, des couronnes, des fleurs.
Quant à vous, ô douces mères françaises, épouses, fiancées, qui avez stationné longuement dans nos églises lointaines, vous, dont les sanglots ont accompagné le chant des cloches en deuil, consolez-vous.
Les êtres chers que vous pleurez ne sont point morts pour nous. Ils forment d’un bout à l’autre du front de bataille, le Panthéon de nos gloires les plus pures et de nos fiertés les plus héroïques.
C’est pour eux que notre poète national a écrit ces vers immortels :
« Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie
Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie.
Entre les plus beaux noms, leurs noms sont les plus beaux.
Tout gloire auprès d’eux passe et tombe éphémère.
Et, comme ferait une mère,
La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau. »
Ces vers, qui sont la glorification de leur sacrifice, notre aumônier nous les a rappelés avec ferveur.
Et nous aurions pleuré, nous aussi, si le devoir ne nous avait arrachés à nos méditations.
Les nerfs tendus, les dents serrées, nous avons relevé la tête et regardé, sans faiblir, la réalité.
Cependant qu’une autre voix, animée du souffle impétueux de nos aspirations nationales, clamait :
- Debout, Chasseurs, pour terminer l’œuvre de vengeance et de réparation. Taisez votre douleur : Contre la Force invaincue, mais chancelante, rassemblez toute votre volonté, toute votre haine !
Votre victoire sera l’apothéose des martyrs !
Clovis Grimbert(Le 120 Court, n° 8, du 15 novembre 1915)