La question du couchage au front, bien que simplifiée par la réduction croissante des heures de sommeil, revêt toujours une grande importance. Elle mérite toute notre attention. Si la découverte que nous allons exposer et qui n’a jusqu’ici paru dans aucun document officiel, est favorablement accueillie, nous nous estimerons bien payés de notre peine.
Vous mettrez une ou deux bottes de paille dans votre toile de tente, vous boutonnez cette toile et c’est fini. Vous avez une paillasse. Le procédé est d’une simplicité enfantine, mais le tout était d’y penser.
Maintenant, quelques difficultés peuvent surgir : par exemple, si vous avez de la paille et pas de toile de tente, vous empruntez, en douce, celle de votre voisin, en ayant soin de la marquer à votre tour ; en raison de la grande ressemblance qui existe entre toutes les toiles de tente, vous risquez des chances de revendications minimes.
D’autre part, si vous avez une toile de tente et pas de paille, vous vous laissez tomber sur la ration de fourrage du cheval de votre capitaine, pour consoler un peu l’animal d’un jeûne regrettable, vous lui caressez fraternellement l’encolure.
Enfin, si vous n’avez ni paille, ni toile de tente, glissez-vous adroitement, la nuit, sur un coin de la couchette d’un camarade ; avec un peu de prudence, vous parviendrez rapidement, grâce à une progression lente, mais sûre, à accaparer la paillasse tout entière en moins d’une heure. C’est le triomphe de la méthode par infiltration.
Clovis Grimbert(Le 120 Court, n° 19, 10 juin 1916)