Quand on marche à l'assaut !

I
Quand on doit marcher à l'assaut,
Et qu'il faut, en trois coups de pelle,
Vivement tailler son échelle,
Tous les coeurs ont un soubresaut
Qui les émeut, qui les énerve ;
Les plus vaillants n'ont plus de verve ;
Tous les coeurs ont un soubresaut
Quand on doit marcher à l'assaut.

II
Quand on doit marcher à l'assaut,
Les yeux troublés, on se regarde :
On se dit tout bas :  " Prenons garde,
" Qui de nous fera le grand saut ? "
Et, dans l'adieu, les mains se serrent,
La mort ouvre déjà les serres :
" Qui de nous fera le grand saut ?... "
Quand on doit marcher à l'assaut.

III
Quand on doit marcher à l'assaut,
Pieusement, l'âme oppressée,
Dans une dernière pensée,
Qui remonte jusqu'au berceau,
Revoit tout le monde qu'elle aime ;
C'est un sacrifice suprême
Qui remonte jusqu'au berceau,
Quand on doit marcher à l'assaut.

IV
Quand on doit marcher à l'assaut,
Et donner le " coup de fourchette ",
Qu'on ajuste la baïonnette,
Il n'est plus ni sage, ni sot,
Ni plus de coup d'oeil en arrière ;
Il n'est plus qu'une ardeur guerrière ;
Il n'est plus ni sage, ni sot,
Quand on doit marcher à l'assaut.

V
Quand sonne l'heure de l'assaut,
Malgré le feu des mitrailleuses,
Nos charges s'en vont furieuses,
Invincibles, le fusil haut ;
On tombe, le sang rougit l'herbe,
Mais la vague monte, superbe,
Invincible, le fusil haut,
Quand sonne l'heure de l'assaut.

VI
Et quand on revient de l'assaut
Où tomba le compagnon d'armes,
Les yeux se remplissaient de larmes,
Les coeurs ont un cruel sursaut ;
Ainsi, la plus belle victoire
Est d'une sanglante mémoire ;
Les coeurs ont un cruel sursaut ;
Quand ils reviennent de l'assaut...

Georges Letervanic

(Le 120 Court, n° 19, 10 juin 1916)

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