Le dimanche 7 novembre dernier, la commune de Boubers-sur-Canche a rendu à la mémoire de ses enfants morts pour la France l’hommage pieux et reconnaissant auquel ils avaient droit. La cérémonie d’inauguration du monument destiné à perpétuer leur souvenir fut, en tous points, digne de leur héroïsme.
Sous la direction du sympathique maire, M. Jules Mallet, et avec l’aide généreuse de M. Lemaire, propriétaire de la filature, tous les habitants de Boubers s’étaient mis à l’œuvre pour orner, décorer, fleurir, embellir enfin, si c’était possible encore, la déjà si jolie commune, et l’on ne voyait partout, mais en particulier sur la place et à ses abords, que drapeaux, arcs de triomphe, tentures aux inscriptions glorieuses pour nos soldats, banderoles tricolores, guirlandes de verdure, sapins, etc…, et tout cela agencé avec beaucoup de goût, nous dirons même avec un grand art. On sentait que les habitants de Boubers avaient été habitués à cette manière de faire par un véritable artiste, qui, s’il avait encore été de ce monde, aurait été l’âme de la manifestation. M. Luglien Leroy, de respectueuse mémoire. Un beau soleil d’automne jetait sur le tout ses rayons d’or.
Au milieu de tous ces décors, le matin, vers 10 heures et demie, une foule recueillie allait emplir l’église pour assister à la messe de « Requiem » célébrée par M. l’Abbé Descamps, ancien poilu. Dans le chœur avait été dressé un catafalque recouvert d’un drap tricolore. En avant de ce catafalque, trois poilus, l’un portant le drapeau national, les deux autres armés d’un fusil baïonnette au canon ; en arrière, une charmante jeune fille, Mlle Germaine Tramcourt, personnifiant la France ; autour d’elle, un groupe d’Alsaciennes et de Lorraines. D’un côté du catafalque, les familles en deuil des héros disparus, de l’autre, le conseil municipal, la direction de la filature, et quelques fonctionnaires.
Au cours de l’office, des chants pieux furent interprétés par Mme Mercier- Luglien Leroy, dont l’éloge, à ce point de vue, n’est plus à faire, et M. Pierre Cléton, un jeune artiste de talent, remua tous les cœurs, en tirant des cordes de son violon les chants les plus sublimes et les plus harmonieux.
Une allocution très touchante fut prononcée par M. l’abbé Descamps qui développa le thème suivant : ce qu’a été la guerre, comment ont vécu nos soldats, comment ils sont morts. Bien des larmes coulèrent sous l’action de l’éloquence de M. le Curé.
L’après-midi, à 13 heures et demie, se réunissaient chez M. le Maire, les autorités qui devaient présider la cérémonie d’inauguration : M. Harduin, conseiller général du canton d’Auxi-le-Château ; MM Coquidé et Maincourt, conseillers d’arrondissement. Ils étaient accompagnés des maires des communes voisines. La Fanfare de Rollepot arrivait en même temps et le cortège allait se former dans la cour d’honneur de la filature.
A 14 heures, le cortège se met en marche dans un ordre parfait, grâce à la vigilance des commissaires, et aux sons de la célèbre marche funèbre de Chopin : en tête le drapeau national porté par un poilu accompagné de deux autres armés ; la jeune fille qui personnifie la France le suit, tenant par la main deux jeunes enfants habillés en poilus ; trois médaillés militaires viennent ensuite portant la couronne offerte par les anciens combattants à leurs camarades morts pour la France ; puis c’est la couronne offerte par les établissements Lemaire et Christory, la couronne de la Société de ballon, la couronne de la Jeunesse de Boubers, et la gerbe de fleurs des Pupilles de la Nation que porte un orphelin de la guerre ; le groupe des familles en deuil s’avance ensuite, puis les écoles de filles et de garçons, la Fanfare de Rollepot, les autorités et le conseil municipal, les combattants de 1870, ceux de la grande guerre, une délégation de la Société de Tir « La Patriote », enfin la foule. Le long du cortège circulent d’aimables quêteuses offrant des insignes aux assistants.
Le cortège fait le cercle autour du monument ; puis, il est procédé à la remise de la médaille militaire au soldat de réserve Gosset François-Abel, du 128ème régiment d’infanterie, objet de la citation suivante :
« Soldat d’une bravoure et d’un entrain reconnus de tous. Le 20 février 1918, s’est dépensé sans compter, suivant son habitude, et a été blessé très grièvement à son poste de combat. Deux blessures antérieures. Une citation. »
M. le capitaine Mercie, délégué à cet effet, remet au soldat Gosset, la médaille militaire dans les formes ordinaires.
M. l’Abbé Descamps bénit le monument qui vient d’être découvert et prononce une très belle allocution que nous regrettons de ne pouvoir reproduire.
M. le capitaine Mercier, au nom des anciens combattants, parle alors en ces termes :
Discours de M. le capitaine Mercier
« Au nom des anciens
combattants, ce n’est pas sans une vive émotion que je salue, avec respect, la
mémoire de nos camarades, originaires de Boubers « morts pour la
France » et que je leur apporte le témoignage de notre reconnaissance et
de notre admiration.
J’adresse également l’hommage de
notre souvenir ému aux 70 soldats qui reposent au cimetière et à tous ceux qui
ont donné leur vie pour la défense du
Pays. Inclinons nous bien bas, devant leurs tombes avec l’expression de
notre pieuse sympathie.
Cette longue et terrible
guerre, qui a causé tant de deuils, a douloureusement et fortement frappé notre
commune ; trente-sept de nos compagnons d’armes ont leurs noms gravés sur
cette pierre. Boubers a largement payé son tribut !
Honneur à nos chers disparus
restés un peu partout sur les champs de bataille de la Marne, de l’Yser, de la
Champagne, de l’Artois, de la Somme et de Verdun.
Qui saura jamais les
souffrances physiques par lesquelles ils sont passés, et cela durant des années
entières, quand il fallait marcher quand même, par tous les temps, la nuit
comme le jour ! Qui saura les heures pénibles de la tranchée, les épreuves
de toutes sortes, les angoisses morales qu’ils ont endurées avec résignation,
et que dans leur abnégation ils conservaient pour eux.
Nous n’admirerons jamais assez
leur bravoure, leur héroïsme. Ils se sont sacrifiés pour protéger nos foyers.
Qui de nous, habitants de
Boubers, ne se souvient des jours tristes de 1918, où nous nous demandions avec
anxiété si notre village n’allait pas, à son tour, subir les atrocités de l’invasion.
Mais ils ont fait leur devoir jusqu’au bout. Ils ont donné leur vie pour
libérer notre territoire du Boche aussi cupide que barbare. Ils nous ont donné
la Victoire. Gloire à eux !
Ce monument commémoratif, levé
par la générosité des habitants, qui, tous, ont eu à cœur d’apporter leur
offrande, perpétuera dans la suite des temps la noms de ces héros, tombés pour
la Victoire. Il sera pour eux, l’objet d’un culte que les années n’amoindriront
pas. Nous le jurons tous !
Son emplacement ne pouvait être
mieux choisi, sur la place, au centre du village, au pied de notre église, face
à la route et bien accessible à la vue de tous, il sera désormais pour nous le
chemin d’un noble pèlerinage.
Vous tous qui pleurez un époux
ou un père, un fils, un frère, un ami, que le suprême hommage, qui vous est
donné par cette foule innombrable et recueillie, apporte à vos cœurs meurtris,
un peu de consolation et adoucisse vos larmes.
Morts glorieux ! vous
avez bien mérité de la Patrie ! Vos noms passeront à la postérité et votre
souvenir vivra éternellement dans nos cœurs !
Au nom des anciens combattants, je dépose cette palme au pied de ce monument comme l’hommage de notre amour pour nos vaillants frères d’armes. »
Ce discours terminé, Mme Mercier entonna aussitôt avec un groupe de jeunes filles de Boubers, et en s’accompagnant de l’harmonium, le chant de Victor Hugo : « Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie. »
M. Pierre Cléton accompagne également Mme Mercier. Ce chant fait passer un frisson sur la foule recueillie.
Des poésies sont ensuite récitées par les enfants de l’école de Mlle Pecquet : « Hommage des écolières aux morts pour la Patrie » de J. Aicard et pour tous les disparus.
M. Mallet, maire de Boubers, prend alors la parole.
Discours de M. Mallet, maire de Boubers-sur-Canche
« Quand j’étais au front,
comme les autres, je ne pensais pas avoir, un jour, l’honneur de célébrer, au
nom de la commune de Boubers, l’héroïsme de ses poilus, de rappeler, dans une
semblable cérémonie, la mémoire de ceux d’entre-eux qui reposent loin de leur
village natal, après avoir donné glorieusement et généreusement leur vie pour
la plus sainte et la plus juste cause.
Je sens tout le poids de cet
honneur, mais je veux le supporter bravement, pour déclarer bien haut, que mes
frères d’armes morts pour la France, furent tous des soldats sans peur et sans
reproche, et pour dire que notre reconnaissance envers eux sera toujours
profonde et vive.
Le monument que nous
inaugurons en ce moment, bien modeste, si nous le comparons à la grandeur de
l’abnégation de nos glorieux morts, est comme le symbole des sentiments que
nous éprouvons pour eux.
Il perpétuera ces sentiments
chez nos descendants, tout en transmettant à la postérité les noms des enfants
de Boubers morts au champ d’honneur, dont je prie M. Gosset, de vouloir bien
faire le suprême appel pendant que tous nous nous recueillerons.
Je ne referait pas l’histoire
de la grande guerre. Personne de vous n’a besoin qu’on la lui rappelle ;
mais je tiens à redire, après d’autres, que partout où furent les poilus de
France, ils s’y comportèrent en braves, en fiers, fils des Gaulois et des
Francs, des soldats de Bouvines, de Denain ou de Valmy, de ceux de Hoche ou de
Kléber, et des grognards de Napoléon, faisant enfin l’étonnement du monde, qui croyait
notre nation perdue de vices et de débauche, en pleine décadence. Il n’en était
rien, Dieu merci, et les poilus ont au contraire montré que la France était
toujours à l’avant-garde de la civilisation, soldat à l’âme saine, instruit et
exercé, plein d’élan et de bravoure, soldat du droit, de l’honneur et de la
liberté, et par suite soldat élu de la victoire.
Parmi ces poilus figuraient
ceux de Boubers, les nôtres, valeureux et héroïques aussi, sachant bien qu’en
luttant et en se sacrifiant, ils sauvaient le monde, ils éloignaient la
barbarie de nos foyers et mettaient nos mères, nos femmes, et nos enfants à
l’abri de la férocité germanique.
Nous avions, mes chers
concitoyens, érigé ce monument pour que la mémoire des poilus de Boubers,
victimes du devoir, soit à jamais conservée, pour que les jeunes y puisent une
leçon d’énergie et de courage, et pour qu’enfin les familles éprouvées puissent
venir déposer sur son socle, comme sur le tertre sacré sous lequel repose
là-bas le fils, le père ou bien l’époux, la gerbe de fleurs qui console et qui
tient le vivant en rapport avec l’esprit du mort, toujours présent, dit-on,
dans le lieu qu’il a préféré.
Devant ces familles en deuil,
je m’incline bien bas, les assurant de tout notre respect et de toute notre sympathie ;
et je leur dit que ce monument, élevé par souscription publique à laquelle tous
ont versé, sera veillé de génération en génération avec un soin pieux ;
nous monterons près de lui, c’est-à-dire près des corps de nos héros une garde
vigilante, ainsi que le fait aux Invalides le vieux soldat près du tombeau du
grand empereur.
Je termine en excusant M. le
Sous-Préfet, retenu chez lui par un deuil récent, et en remerciant M. le
Conseiller Général Harduin qui a bien voulu présider la cérémonie, MM Coquidé
et Maincourt, conseillers d’arrondissement qui ont bien voulu honorer la
commune de leur présence, MM les Maires des communes voisines, M. le Curé qui a
dit ce matin une messe solennelle à l’intention de nos grands morts et qui a
prononcé une allocution si émouvante, M. Lemaire, industriel dont la générosité
à l’égard de Boubers n’a pas d’égale, M. le capitaine Mercie et Mme
Mercier-Luglien-Leroy, ce qui me permet d’adresser un souvenir ému à celui qui
aurait été comme son successeur, l’âme de cette cérémonie s’il avait encore été
de ce monde, à M. Luglien-Leroy.
Je remercie également tous ceux qui, à un titre quelconque, ont participé à la bonne réussite de cette manifestation patriotique, à nos excellents instituteurs et institutrices, à MM les conseillers municipaux, au comité et à MM les commissaires de la fête, à la musique de Rollepot, en voie déjà de retrouver ses succès d’avant-guerre, enfin à vous tous qui êtes venus pour honorer les enfants de Boubers morts au champ d’honneur, nos héros que nous n’oublierons jamais. »
Au moment de l’appel des morts, fait suivant l’usage adopté, les enfants des écoles et les parents des disparus déposent des gerbes et des couronnes sur le socle du monument, qui en un instant est disparu sous les fleurs.
Le discours de M. le Maire terminé, la fanfare de Rollepôt fait entendre une marche de circonstance, et M. Harduin parle ensuite :
Discours de M. Harduin, conseiller général
« Plus de six années,
déjà, ont passé, depuis le jour inoubliable du 2 août 1914, où le décret de
mobilisation répondait à la déclaration de guerre de l’Allemagne ; toutes
les cloches de nos villes et de nos villages sonnaient l’appel de la Patrie en
danger.
Dès le lendemain, aux
premières heures de la journée, les trains militaires emportaient vers la
frontière tous les enfants de France en état de porter les armes ; tous
avaient répondu à l’appel, tous croyaient à une campagne rapide et victorieuse.
Hélas ! ils avaient
compté sans la force et l’astuce de notre ennemi séculaire ; la guerre
devait être la plus longue et la plus terrible des guerres. Pendant cinq
mortelles années, ils devaient sous la mitraille, subir toutes les horreurs
d’une grande guerre sans merci ; plus de 1.500.000 d’entre-eux devaient
tomber au Champ d’Honneur et parmi ceux-là, les héros que nous glorifions
aujourd’hui.
C’est en leur honneur que vous
avez élevé ce monument mais aussi beau qu’il puisse être, il ne sera qu’un bien
faible tribut de reconnaissance pour ceux qui se sont sacrifiés pour la défense
de notre sol, de notre liberté et de notre drapeau.
L’Allemagne avait voulu la
guerre et l’avait préparé avec un génie infernal ; conduite par l’ambition
de son Empereur, grisée par sa victoire de 1870, elle avait rêvé la domination
du monde. Dans l’ombre, sans se relâcher un seul instant, ses enfants, ses
usines, son industrie, son commerce, ses chemins de fer, tout avait été
préparé, disposé pour la guerre. Sans douci du droit des gens, à l’heure fixée
par elle, l’Allemagne nous déclara la guerre, foula aux pieds la Belgique et
envahit nos frontières.
La ruée fut formidable, sous
le nombre, sous une artillerie dix fois supérieure nos armées plièrent ;
ce fut Charleroi, ce fut la retraite sur la Marne. Mais là, nos armées
rassemblées par les chefs incomparables que furent Joffre, Foch, Galliéni,
firent tête à l’envahisseur, et arrêtèrent à jamais la monstrueuse puissance.
A la Marne, sur l’Yser, à
Verdun, en Champagne, sur la Somme, partout notre poilu arrêta les hordes
teutonnes, mais Dieu seul sait au prix de quels sacrifices ; plus de
1.500.000 des nôtres, sont tombés sur les champs de bataille et presque autant
de mutilés pleurent leurs membres et leurs forces perdues.
Souvenons-nous toujours de
leur sublime sacrifice. Et n’oublions pas que si le Kaiser et ses hobereaux
sont les auteurs de la guerre, tout le peuple allemand a suivi son Empereur.
Les méthodes de guerre employées par l’ennemi furent celles des peuples les
plus barbares ; les armées allemandes semèrent partout, sur leur passage,
la dévastation et la mort ; les habitants de nos départements envahis
furent traités en esclaves ; les hommes, les jeunes filles, les enfants
furent déportés et durent forger les armes destinées à tuer leurs compatriotes.
L’esclavage ou le bannissement était sans nul doute le sort qui nous attendait
en cas de défaire ; c’était pour tous la ruine, pour beaucoup la mort et
la France démembrée, mutilée par l’ennemi, n’aurait pu nourrir ses enfants.
Dieu ne l’a pas voulu et
l’héroïsme de nos soldats nous a sauvés ; mais nous manquerions à la mémoire
de nos morts, si tendant une main fraternelle au boche maudit, nous renoncions
à faire juger et condamner le Kaiser et ses séïdes dont le fol orgueil a causé
l’épouvantable carnage et si nous n’exigions la réparation des immenses
dommages causés par ses armées. Il faut que de semblables hécatombes ne
puissent se renouveler et soient épargnés à nos enfants ; il faut que les
auteurs responsables de ces horribles carnages soient mis à jamais dans
l’impossibilité de renouveler leurs forfaits. Beaucoup parmi nos glorieux
morts, ont laissé des veuves, des orphelins, de vieux parents sans
ressources ; ceux-ci doivent être adoptés par la Nation ; il
appartient à l’Etat de leur assurer les besoins matériels de la vie, mais à
nous, il appartient de les aimer, de les respecter et de les considérer comme
les membres de notre famille, de remplacer au foyer familial le soutien
disparu.
Pour cela et aussi pour nous
garder contre nos ennemis de l’Est, quine reconnaissant pas la défaite de leurs
armées et déjà songent à la revanche, il nous faut conserver cette union
sacrée, qui, pendant la guerre, nous a réunis tous, autour du même drapeau,
contre l’envahisseur. Il nous faut conserver cette union de tous les cœurs qui,
seule, peut rendre la France invulnérable et la faire toujours plus belle et
plus grande. Et croyez-moi, mes chers amis, c’est la plus noble façon d’honorer
ceux qui sont tombés pour Elle.
Honneur à nos glorieux morts,
Vive la France éternelle !
Maintenant mes chers amis,
après avoir honoré les morts, il est d’autres devoirs à remplir dont le plus
urgent est de subvenir aux besoins des victimes de la guerre.
L’Allemagne n’a encore rien
versé de l’indemnité à laquelle elle a été condamnée et en attendant l’Etat
doit pourvoir aux pensions des malheureuses victimes ; il doit avancer les
sommes nécessaires à la reconstitution des régions envahies et il doit payer
les dettes contractées pendant et pour la guerre et qui ont aidé puissamment à
la Victoire.
C’est, pour ceux qui le
peuvent, un devoir social et patriotique que de souscrire à l’Emprunt.
Mais rien ne servirait de
verser des pensions, aussi élevées fussent-elles, si les intéressés ne
pouvaient trouver les produits nécessaires à leur subsistance et ces produits
ne peuvent être assurés que par le travail.
A Boubers, comme ailleurs, les
travailleurs de la terre emploient toutes leurs forces à la production, et à
Boubers, plus qu’ailleurs, les travailleurs de l’industrie, sous la direction
d’un patron, aussi juste qu’averti, ne marchandent pas les heures de travail.
M. Lemaire-Christory, suivant
les traditions laissées par le regretté M. Luglien Leroy, veille au bien-être
des ouvriers de son usine ; pendant la guerre, c’était le blé qu’il venait
chercher pour eux dans nos communes, maintenant c’est le charbon qu’il leur
assure et un économat leur procure les produits alimentaires au plus juste
prix.
C’est l’union féconde du
capital et du travail, source de richesse et de bien-être pour les habitants de
Boubers.
Et, pour terminer, laissez-moi
émettre le vœu que la journée d’aujourd’hui reste gravée dans vos cœurs, comme
le nom des enfants de Boubers morts pour la France restera gravé sur ce
monument.
A la belle cérémonie
d’aujourd’hui, j’ai le devoir d’associer à notre reconnaissance les soldats
décédés à l’ambulance de Boubers morts, eux aussi, pour la France. A cette
ambulance de la Croix Rouge que la générosité et le patriotisme de M.
Luglien-Leroy avait installée dans son château et où Mlle Thérèse
Luglien-Leroy, maintenant Madame Mercier, prodiguait un dévouement absolu et
sans borne, à cette ambulance, qui a soigné et guéri tant de blessés et qui a
permi à ceux qui y sont morts qu’une main amie leur ferme les yeux et remplace
sur leurs tombes la famille absente.
Habitants de Boubers qui passez devant ces tombes, ayez un souvenir ou une prière pour les héros, frères d’armes de vos enfants qui reposent là de leur dernier sommeil. »
Les élèves de M. Tramcourt récitent alors la poésie : « Merci les Morts ! » et l’on écoute religieusement pour finir la Marseillaise que la fanfare de Rollepot exécute avec tout l’art dont elle est capable.
Après quoi le cortège se reforme et se rend dans la cour d’honneur de l’usine où des vins d’honneur sont offerts par MM Lemaire et Christory à tous ceux qui ont pris part à la fête.
Cette belle cérémonie a été suivie par une foule énorme venue des villages environnants et de Frévent surtout, car jamais on ne se lasse de communier en quelque sorte avec les héros de la grande guerre, qui, par leur vaillance et en faisant bravement le sacrifice de leur vie, nous ont sauvés de la plus effroyable barbarie, la barbarie teutonne.
Nous félicitons, en terminant,
les organisateurs de la cérémonie de Boubers pour tous les soins qu’ils ont
apportés à sa réussite.
(L’Abeille de la Ternoise, des 28 novembre et 5 décembre 1920)