HERNICOURT - SAINT VAAST

Le monument aux morts d'HERNICOURT SAINT VAAST

L’inauguration du monument aux morts d'Hernicourt Saint Vaast


Une belle et imposante cérémonie s’est déroulée le 25 juillet dernier dans la commune d’Hernicourt. Il s’agissait d’honorer publiquement et solennellement les 13 enfants que la localité avait offerts en holocauste sur l’autel de la Patrie en danger.

Le matin à 9 h et demie, devant une assistance nombreuse composée de la population tout entière, une messe avait été célébrée pour ces héros.

L’après midi, après les vêpres des morts, un cortège s’était formé sur la route nationale et avait défilé parmi la verdure, les oriflammes et sous les arcs de triomphe que les habitants avaient élevés avec empressement et goût.

En tête, marchait le conseil municipal, précédé de M. Tierny, maire et de son adjoint. Puis venaient les proches des soldats morts, les délégations de l’association des mutilés, réformés et anciens combattants de l’arrondissement de Saint-Pol, et de l’association des anciens combattants d’Anvin ; les mutilés et les sociétaires de la section des anciens combattants d’Hernicourt auxquels s’étaient joints les vétérans de 1870, les élèves de l’école d’Hernicourt (chef-lieu) ; le porte-drapeau de l’association des anciens élèves de l’école ; les élèves de l’école de Saint-Martin-les-Hernicourt ; les anciens combattants de Saint-Martin ; le public, nombreux, fermait la marche.

Le cortège se rendit à l’église où M. le curé donna l’absoute, puis au cimetière en présence d’une foule innombrable, eut lieu la bénédiction du monument qu’entourait la fraîche auréole des fillettes tout de blanc vêtues ou costumées en Alsaciennes et chargées de fleurs et les garçons porteurs de drapeaux tricolores.

Après quoi M. Lagache, curé d’Hernicourt, rendit en termes élevés un émouvant hommage aux morts. Puis M. Louis Flament, président de la section des anciens combattants d’Hernicourt après avoir déposé au pied du monument une couronne, témoignage d’affection et d’inaltérable attachement, souligna ce geste de quelques paroles vibrantes.

Ce fut ensuite le tour de M. J. Bellenguez, président de l’association des mutilés, réformés et anciens combattants de l’arrondissement de Saint-Pol et de M. Thibaut, président de la section des anciens combattants d’Anvin, qui rappelèrent le glorieux sacrifice des camarades tombés à l’ennemi.

M. Paul Tierny, maire d’Hernicourt, leur succéda, et d’une voix empreinte d’une grande émotion, prononça les paroles suivantes.

Discours de M. P. Tierny, maire :

« Je remercie M. le Curé d’Hernicourt et MM les Présidents des sections de combattants des discours qu’ils viennent de prononcer et qui traduisent si bien et si éloquemment nos sentiments à tous.

Je dois à mes fonctions l’honneur de prendre la parole à mon tour pour rendre un suprême hommage aux soldats d’Hernicourt morts pour la France.

Pour remplir ce devoir comme il convient, je dois faire un effort sur moi-même et oublier un moment le deuil personnel qui m’a affligé, comme tant d’entre vous.

Mais, oublier, est-ce possible ? et ne les revoyons-nous pas toujours tels qu’ils étaient, plein de vie et d’espoir, lorsqu’ils nous quittaient pour répondre à l’appel de la Patrie ?

Hélas ! Nous étions loin de prévoir alors qu’ils devaient tomber si nombreux sur les champs de bataille, et que, pour beaucoup de ces vaillants, le baiser d’adieu que nous leur donnions devait être le dernier ; que les années de guerre allaient succéder aux levées et que ceux de nos fils, qui n’étaient encore que des enfants en 1914, devaient partir à leur tour et prendre la place de leurs aînés disparus.

Soyons fiers de nos morts ; c’est à leur héroïsme, c’est à leur esprit de sacrifice que nous devons aujourd’hui de ne pas être allemands.

Et parmi les survivants, parmi ces combattants qui m’entourent et qui, heureusement, eux, sont revenus, combien valurent nos morts ; combien, pour qui nous avons tremblé jusqu’à la fin de la guerre, nous disant que se dévouant toujours, se ménageant si peu, il était bien à craindre que la mort non plus ne les ménageât pas. Cette proportion énorme de 23 tués pour une commune de 569 habitants (douze pour le seul village d’Hernicourt), ces mutilés, ces médailles militaires, ces croix de guerre si nombreuses, tout proclame éloquemment à quel point nos combattants ont compris et accompli leur devoir. Et heureusement, on peut le dire, ils n’étaient pas l’exception dans notre armée.

J’ai eu l’occasion, pendant la guerre, de me rencontrer avec des hommes politiques des nations alliées, dont l’opinion comptait dans leur pays. Tous parlaient avec admiration de nos soldats et ils n’étaient pas sans éprouver un certain étonnement de cette bravoure de la nation française. On leur avait tant dit et répéter que nous étions un peuple fini, perdu d’immoralité, sans énergie, sans ressort, sans discipline, que la première défaite devait accabler. (soyez bien certains d’ailleurs que cette fausse opinion, que les allemands avaient de nous, a été une des causes de la guerre) Et voilà qu’ils retrouvaient dans nos soldats, dans ces prétendus décadents, les dignes fils des glorieux soldats de la Révolution et de l’Empire. Comme le grognard son ancêtre, le poilu de 1914 pouvait bien maugréer quelquefois (le métier était si dur), mais il marchait toujours, et toujours le boche le retrouvait brave et résolu, à Verdun comme à la Marne, à Reims ou en Flandre, sur l’Yser, au Mont Kemmel, et jusqu’en Italie et enfin, dans cette terrible bataille finale de France en 1918, où harassés, n’en pouvant plus, marchant des semaines entières sans être relevés, mais toujours intrépides et résolus, donnant un dernier effort quasi surhumain et surmontant des fatigues inouïes, nos soldats finissaient par renverser ces formidables lignes Hindenburg qu’on réputait imprenables. Vous les avez reconnus ces braves : ce sont les dignes fils des petits conscrits des levées de 1814. Ce sont les paysans de France, devenus soldats pour défendre leurs foyers. Ils ont gagné la guerre ; ils vont maintenant (car les difficultés ne sont pas finies) gagner la paix ; nous devons leur faire confiance.

Le grand homme de guerre qui est l’honneur de notre Artois, ce chef qui aimait le soldat et qui en était aimé, le maréchal Pétain, disait, il y a un an, à ses anciens camarades du collège Saint-Bertin : « Je ne veux pas croire que Dieu qui nous a permis de gagner la guerre nous laisse succomber devant les difficultés de la paix. » Et c’est bien là notre sentiment à tous.

Malgré les incertitudes du présent, nous avons foi en l’avenir, ayons confiance : confiance en Dieu, qui nous a si visiblement protégés ; confiance en ceux qui nous gouvernent, qui sauront défendre nos droits au milieu des conflits économiques qui résultent d’un appauvrissement général des nations ; et enfin confiance en nous-mêmes.

Une nation qui produit des hommes comme ceux que nous honorons ici, n’est pas une nation finie, mais nous devons travailler pour que leur sacrifice ne demeure pas inutile. Il faut que ceux qui ont été vaillants dans la guerre et qui ont eu le bonheur d’en revenir restent courageux dans la paix. La France, sortie si grande moralement de cette épreuve, mais matériellement si épuisée, il importe de la refaire puissante et forte, digne de ceux qui l’ont sauvée et dont ce monument doit perpétuer la mémoire. »

La cérémonie d’inauguration prit fin sur le chant du De Profundis. Elle fut suivie sur la place d’une démonstration patriotique par les élèves de l’école d’Hernicourt en l’honneur des soldats morts des démobilisés de la commune.

M. Jules Lesieux, le dévoué instituteur,  donna lecture du livre d’or, résumé des principaux évènements de la guerre, coupé par l’appel des morts et par la remise des diplômes aux familles des héros. Des chants patriotiques furent parfaitement interprétés, des pièces de vers de circonstance déclamées avec âme par garçons et fillettes.

Une belle apothéose, composée de 46 figurants, fillettes chargées de fleurs, garçonnets portant les trois couleurs, porte drapeaux des sections d’anciens combattants d’Hernicourt et d’Anvin, jeteuses de fleurs, alsaciennes, jeunes filles représentant la France au travail et enfin une belle et forte fille, incarnant la Victoire, encadrée de deux poilus, termina cette impressionnante manifestation du souvenir et de la reconnaissance.

Les vins d’honneur furent ensuite offerts, à l’école communale, au conseil municipal et aux anciens combattants à qui M. Tierny, maire, adressa quelques paroles de remerciements.

Les personnes désireuses de conserver un souvenir de la belle fête de dimanche dernier peuvent s’adresser chez M. Flament-Thibaut. Elles y trouveront des photographies du monument, du défilé sur la place et de la fête patriotique qui constituent un excellent souvenir.

(article paru dans L’Abeille de la Ternoise du 22 août 1920)

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