L’inauguration du monument élevé à la mémoire des enfants de Le Parcq morts au cours de la grande guerre a donné lieu le dimanche 9 octobre, à une belle et touchante cérémonie.
Le matin, à 10 h 30, une messe solennelle avait été célébrée à leur intention par M. le Curé de Le Parcq, l’Abbé Baillet. Les Anciens Combattants, les autorités locales, toute la population y assistaient et l’église était trop petite pour contenir cette foule venue pour se recueillir quelques instants. Pendant la messe, les enfants de l’Ecole des Filles interprétèrent avec expression l’hymne aux morts pour la Patrie, de Victor Hugo.
A l’issue de la messe, l’assistance se rendit en cortège devant le monument où M. le Curé procéda à la bénédiction. M. l’Abbé Baillet prit la parole et montra quel fut le sacrifice des braves qui sont tombés au champ d’honneur avec l’esprit chrétien.
A 3 h 30, M. Marais, sous préfet, et M. Carpentier, conseiller d’arrondissement, étaient reçus par le conseil municipal à l’école des filles, ainsi que les notabilités du canton qui avaient répondu à l’invitation de M. G. Dacquin maire et conseiller général du Parcq.
Puis, le cortège, qui s’était formé sous la direction des commissaires de la fête, se mit en marche, dans l’ordre suivant : sapeurs pompiers de Blangy, Jeanne d’Arc à cheval avec ses écuyers, enfants des écoles, jeunes filles portant des gerbes et des couronnes, suivies de la France en deuil avec les veuves et les orphelins ; un piquet du 27ème régiment d’artillerie ; la musique d’Hesdin, les mutilés et anciens combattants du Parcq, les vétérans de 1870, les sociétés d’anciens combattants d’Auchy-les-Hesdin, Wamin, Wail, Eclimeux, les autorités et les assistants.
Le cortège suivit la route nationale, la rue de l’église, et revint, par la rue d’Hesdin, vers le monument.
4 h sonnaient au clocher de la bourgade quand, devant la foule, dense et recueillie, tassée devant le monument, le voile tomba.
M. Glaçon, président des anciens combattants, au milieu d’un profond silence, prit la parole pour rappeler le souvenir des camarades disparus, l’endurance, la résignation, le calme et le courage des poilus, pendant la guerre. Puis il fit, d’une voix forte, l’appel des 32 morts ; le chœur des jeunes filles répondait « Mort au champ d’honneur » et cette réponse dans la bouche des jeunes filles prenait un caractère particulièrement poignant. Au pied du monument, les palmes de la jeunesse des écoles, des anciens combattants et du conseil municipal s’amoncelaient. Et de la terre monta dans l’air l’hymne national, harmonieux et sublime.
« Ouvrez le ban ! » commanda une voix. Et M. le sous-préfet épingle sur la poitrine de M. Delval, conseiller municipal, la médaille militaire qu’héroïquement gagna son fils Emile, en se sacrifiant pour la Patrie.
Après quoi, M. Gaston Dacquin prit la parole en ces termes :
Discours de M. Dacquin, conseiller général
« C’est aujourd’hui le jour choisi par la commune de Le Parcq pour
exalter la gloire de ses héros tombés pendant la grande guerre.
Déjà beaucoup de monuments ont été élevés et le talent des artistes a multiplié largement son ingéniosité. Il nous a semblé que la meilleure manière de glorifier nos morts était de rendre hommage à leur courage en l’incarnant sous la forme du Poilu, nom à la fois noble, simple et héroïque qui rendait si bien l’âme du soldat français.
Ils étaient en effet partis avec joie nos chers soldats de France, jeunes et vieux, pour répondre à l’appel qui leur était fait et défendre le sol de la Patrie en danger. Sans rancune et sans haine, ils tournaient souvent depuis 1870 leurs regards vers la frontière et se sentaient quelque peu humiliés des désastres de cette guerre.
Mais, malgré la peine qu’ils en éprouvaient, ils restaient avant tout pacifiques, l’âme prête, et la flamme patriotique qui les animait ne pouvait les empêcher de penser que, toujours, dans les luttes barbares qu’engendrent ces conflits, il y a des faibles qui souffrent, des femmes qui pleurent, et des soldats qui tombent.
C’est pourquoi, avec patience
et résignation, ils avaient, depuis 40 ans, supporté la frontière nouvelle, que
leur avait imposé le traité de Francfort. Et cette fois encore, c’était notre
cruelle ennemie qui, mettant en action sa fameuse maxime : « la force
prime le droit », nous déclarait la guerre. Il n’y avait pas à hésiter il
fallait vaincre ou mourir.
Etouffée sous la pression d’un militarisme à outrance, dont les jeunes enfants se nourrissaient dès leur naissance, l’Allemagne ne disposait à nous asservir. Croyant la France divisée par des passions politiques et des dissentiments religieux, nous luis paraissions mûrs pour être écrasés par la botte teutonne.
Mais elle oubliait que la race française a des sentiments vibrants d’une grande fibre patriotique, elle ne se souvenait plus qu’en 1789 lorsque la Patrie était en danger, des enrôlements volontaires barrèrent la route aux envahisseurs. Il suffit de faire sonner les cloches, de battre le tocsin, de sortir les étendards et dans un silence étreignant, en face de la gravité du danger, se fit la mobilisation. Tous, dans un même élan, allèrent prendre la place qui leur était assignée.
Une partie de nos armées vola au secours de la noble Belgique qui fut souillée de tant de crimes, mais, devant le nombre, il fallut reculer, reculer encore.
Nous n’étions pas prêts pour
cette lutte que nos adversaires avaient si longuement préparée et il fallut
vraiment un héroïsme sans égal pour ne pas plier sous la pluie de mitraille
dont notre front était inondé. Nous vécûmes alors de sombres jours où, quand
même, nous espérions, confiants dans la valeur de nos soldats. C’est alors
qu’on vit se produire à l’infini des actes de bravoure que l’histoire ne
parviendra jamais à nous rappeler.
Ce fut alors également une guerre sans merci, d’embûches, des mines, où
toute la science chimique prodigua ses efforts. Pour perpétuer tant d’héroïsme,
pour comprendre sous une même domination les défenseurs de notre front, on
appela le soldat français sous ce simple nom de poilu, simple mot devenu
sublime. En le glorifiant aujourd’hui,
nous payons ainsi une dette de reconnaissance à tous ceux qui, pendant la
guerre, ont souffert et sont tombés pour la plus noble des causes.
Nous avons tenu à ce que ce
monument s’éleva devant l’école pour que les enfants, au milieu de leurs ébats, aux heures de liberté, puissent
continuer la leçon de patriotisme qui fait partie du programme scolaire. En
levant les yeux vers lui, ils se rendront compte que c’est grâce à l’héroïsme
du soldat français, de leur père, de leur frère ou de leur parent, dont le nom
figure sur la pierre, que leur école est encore debout, que leur toit familial
n’a pas été ravagé et ce sera pour eux la plus noble mission de se mettre de
plus en plus courageusement au travail.
Braves soldats qui avez étonné le monde par vos exploits, qui avez tant
souffert dans les tranchées, au fond des abris pour sauver l’Europe des
Barbares, dormez heureux.
La France, que vous avez conduite à la plus belle des victoires, par
les champs arrosés de votre sang, la France que vous avez faite plus grande que
jamais et pour qui vous avez écrit les plus belles pages d’histoire, la France
que vous avez sauvée, ne vous oubliera pas. Vos noms sacrés, inscrits ici en
lettres d’or, le seront aussi dans les écoles et les enfants les apprendront en
les vénérant de toute la force de leur âme.
Soyez heureux, ô Morts ; le sacrifice que vous avez librement
consenti n’aura pas été vain. Vos fils seront élevés comme doivent l’être les
fils de tels pères, dans l’amour du travail, de l’union, de la Patrie et dans
la vénération de vos épopées ; ils referont la nouvelle France sur vos
tombeaux.
L’appel que vous avez lancé en mourant, qu’il nous vienne de ces tombes
communes où vous êtes couchés pêle-mêle, de ces champs où vous reposez isolés,
de l’Océan qui vous sert de linceul, cet appel de fraternité, de concorde et
d’amour, a été entendu.
Soyez heureux ! La France marche vers l’idéal de bonheur que vous
avez forgé e pour lequel vous êtes si noblement tombés. Ce monument, élevé en
souvenir de votre sacrifice sublime, attirera le respect des générations
futures et sera le témoignage vivant de vos exploits.
Vous direz ainsi hautement à tous, que vous leur avez fait une vie plus
belle dans une France meurtrie, mais toujours vaillante en leur indiquant le
chemin de l’immortalité.
Et vous, familles éplorées, qui pleurez aujourd’hui ces chers disparus,
que votre chagrin soit du moins, un peu adouci en songeant qu’ils ont aidé
puissamment à notre triomphe et qu’ils sont morts en braves, donnant leur vie
pour la France entière.
Je remercie vivement ici le Comité qui m’a apporté son bien précieux
concours dans l’organisation de cette fête et qui a pris tant de soin à donner
à cette cérémonie l’éclat qu’elle mérite.
Je ne nommerai personne pour ne pas porter atteinte à leur modestie,
mais je tiens à comprendre tous dans un hommage unanime.
J’adresse aussi mes remerciements les plus chaleureux aux habitants du
Parcq pour l’empressement qu’ils montrèrent sans distinction de parti, riches
ou pauvres, selon leurs moyens, à offrir leur obole et à apporter leur tribut
de reconnaissance aux enfants du Pays tombés en défendant leur sol natal.
Je n’aurai garde d’oublier M. Edouard Vauchel, ancien maire de Wamin,
qui a bien voulu, dans un élan généreux, faire don de ce terrain à notre
commune. Grâce à lui, ce monument est parfaitement disposé pour être l’objet de
la vénération de tous.
Notre reconnaissance va aussi à M. le Sous-Préfet de Saint-Pol,
représentant le gouvernement de la République, qui a bien voulu accepter la
présidence de cette fête ; au capitaine représentant le commandant d’Armes
d’Hesdin, qui a bien voulu nous envoyer un piquet pour rendre les
honneurs ; à MM les élus et notabilités du canton ; à MM les Maires
voisins qui se sont rendus à notre invitation, ainsi qu’à M. le Curé de Le
Parcq, et aux diverses sociétés de Combattants qui se sont jointes à nous.
J’adresse un hommage particulier à M. le Gentil, qui nous a ouvert
toute grande sa générosité, aussi bien pour puiser dans son parc ce dont nous
pouvions avoir besoin pour l’ornementation, que pour encourager notre
souscription.
A M. l’instituteur, qui a uni ses efforts aux nôtres, à Mesdames
Poulain et Lagache, institutrices, qui ont si bien mis tout en œuvre pour la
beauté du cortège, j’adresse un cordial merci.
Aux sociétés qui ont acceptés de nous prêter leur concours pour
rehausser notre fête, je témoigne aussi toute ma reconnaissance.
Près de ce monument où nous reviendrons bien souvent en pieux
pèlerinage, nous nous souviendrons toujours des nobles exemples qui
réconfortent ; ils encourageront notre labeur en enflammant notre amour du
pays.
Avant de terminer, laissez-moi vous dire du fond du cœur, chers amis,
héros admirables, un dernier mot qui traduit si bien notre pensée à tous et qui
fut celui d’un grand patriote :
« Oublier ! – Jamais. »
Des applaudissements nourris éclatèrent dans l’assistance. Puis les
enfants des écoles interprétèrent avec tout leur cœur un hymne patriotique.
Ensuite, M. Charles Carpentier, conseiller d’arrondissement, s’avança
et dit :
« J’ai le devoir, en ma
qualité d’élu du canton, de prendre la parole aujourd’hui devant vous.
Mes premiers mots seront pour
remercier M. le Conseiller général et Maire d’avoir bien voulu m’inviter, en
son nom et en celui du conseil municipal, à participer à cette grandiose et
émouvante manifestation patriotique, en l’honneur de nos héros de la grande
guerre.
J’adresse ensuite tout
particulièrement un chaleureux remerciement à notre très distingué et très
dévoué Sous-Préfet, qui se fait un scrupuleux devoir de présider par tout son
arrondissement ces cérémonies patriotiques du souvenir et de la reconnaissance
nationale.
Mes remerciements iront
ensuite à cette foule, qui vient apporter à nos glorieux disparus l’hommage ému
de sa reconnaissance et de son respect.
Et maintenant, vous penserez
avec moi qu’il n’est pas bien utile de refaire, ici, l’historique et l’apologie
des grandes et sublimes choses accomplies par les héros que vous pleurez,
pères, mères, épouses et enfants, et que nous, vos représentants, nous venons
honorer, glorifier, en nous inclinant respectueusement devant ces grandes et
patriotiques douleurs.
Tant de voix autorisées ont
parlé si éloquemment de la grande épopée que ce serait plus que de la témérité
de ma part de vouloir ajouter à tout ce qui a été dit et rappeler les sublimes
sacrifices, ces batailles de géants, ces prodiges accomplis par nos braves
poilus.
Mes dernières paroles seront spécialement pour vous, parents en deuil, qui êtes si légitimement fiers du sacrifice des vôtres et pour ces pauvres orphelins de la guerre qui puiseront, dans les leçons de ce passé terrible, l’amour toujours vivace de la Patrie ; mais aussi le sentiment aussi noble de la solidarité et de la fraternité qui devra unir désormais tous les peuples civilisés. »
On applaudit et Mlle Madeleine Legrand dit une poésie à la gloire de nos héros.
Enfin M. le Sous-Préfet remercia M. Dacquin et les membres du conseil municipal de l’avoir convié à cette belle cérémonie patriotique. Il en tira les enseignements qu’elle comporte et termina par un éloquent appel à l’union et à la concorde.
De nouveaux applaudissements se firent entendre et après une dernière audition du réveil musical d’Hesdin, dans la salle de la mairie, décorée avec beaucoup de goût de feuillages de lierre et de drapeaux tricolores, les vins d’honneur furent offerts aux personnalités présentes, à la musique, aux familles des morts et aux sociétés.
Ce fut une belle journée. Tous les habitants du Parcq – auxquels il convient d’adresser des éloges, pour l’empressement, le dévouement et le bon goût qu’ils apportèrent à seconder les organisateurs dans la décoration de leur bourgade – en garderont précieusement la mémoi