MAGNICOURT-SUR-CANCHE

Le monument aux morts de MAGNICOURT-SUR-CANCHE

L’inauguration du monument aux morts de Magnicourt-sur-Canche

C’est au milieu d’une grande affluence de gens des communes voisines, venus se joindre aux habitants de la localité, que s’est déroulée la cérémonie à laquelle a donné lieu l’inauguration du monument élevé à la mémoire des enfants de Magnicourt morts pour la France.

Le vent et la pluie, qui s’étaient abattus sur la région, avaient anéanti les décorations dont, avec infiniment de goût et d’empressement, les Magnicourtois avaient dès la veille, garni les rues du village. Et ç’avait été une déception profonde lorsqu’au matin du grand jour on constata que la pluie tombait encore et que toute tentative de décoration soignée était vaine. Mais si, par suite d’inclémence du temps, les guirlandes firent défaut, du moins, l’âpre bise qui souffla toute la journée n’empêcha pas les gens de Magnicourt d’offrir à leurs morts un éclatant et poignant hommage de vive gratitude et de profonde reconnaissance.

Le matin, à 10 heures et demie, une messe solennelle avait été célébrée, en présence de toute la population, parmi laquelle on remarquait M. le Sous-Préfet, M. Amédée Petit, vice-président du Conseil général, le conseil municipal, la section locale d’anciens combattants.

M. le Curé, en un langage d’une haute élévation de pensée, célébra la gloire des soldats morts, qui ont donné leur corps à la France, leur cœur à la Famille et leur âme à Dieu.

Après la Messe, la foule se rendit en procession jusqu’au monument que M. le Curé bénit.

L’après-midi, à 3 heures, M. Béal, le maire vénéré de la commune, reçut les autorités à l’entrée du village, vers Ambrines et présenta son conseil municipal à M. le Sous-Préfet, qu’accompagnaient MM Amédée Petit, le docteur Théret, conseillers généraux, Bouillet, conseiller d’arrondissement, et un certain nombre de maires des villages voisins.

Puis le cortège se mit en mouvement dans l’ordre suivant, derrière un cavalier, ouvrant la marche :

Tambours et clairons des sapeurs-pompiers de Sus-Saint-Léger, Société de tir d eRebreuviette et de Denier, Sociétés d’Anciens Combattants de Beaudricourt, Rebreuviette, Berlencourt, Le Cauroy, Magnicourt ; jeunes filles représentant la France en deuil, une infirmière, Jeanne d’Arc, deux groupes Alsace-Lorraine, un groupe les alliés, la France Victorieuse, les enfants de l’école, la Fanfare de Rollepot, les autorités, encadrées des sapeurs-pompiers de Sus-Saint-Léger.

Le cortège s’arrêta et se groupa au carrefour des routes d’Ambrines, d’Houvin-Houvigneul et d’Estrée-Wamin, où se dresse le monument aux morts et que surplombe, du haut de son tertre, l’antique église du village.

Après les sonneries du « garde à vous », « au drapeau », « ouvrez le ban », la fanfare de Rollepot joua La Marseillaisse. Puis M. Paul Briou, grand mutilé de guerre, président de la Société d’Anciens Combattants, fit l’appel des morts ; appel lugubre, auquel un poilu, M. Augustin Labbe, répondait par le salut militaire et par les mots plus lugubres encore, « Mort pour la France », qu’un ancien combattant, M. Paul Froment, faisait suivre d’un court résumé des circonstances dans lesquelles chacun de ces héros est mort.

Au milieu d’un grand silence, M. Béal, maire, qui , souffrant depuis quelque temps, s’était fait un devoir de quitter sa chambre et d’affronter les rigueurs du temps, pour apporter à ses anciens élèves un vibrant hommage d’affection et d’admiration, M. Béal, qui exerça durant de longues années dans la commune les fonctions d’instituteur toujours aimé et respecté, prit la parole en ces termes :

Discours de M. Béal, maire

Comme maire de la commune de Magnicourt, j’ai le devoir sacré de rendre à nos soldats morts pour la Patrie, l’impérissable hommage qui leur est dû et le témoignage public de notre reconnaissance.

13 enfants de Magnicourt, tous à la fleur de l’âge, sont tombés dans cette lutte terrible. A eux, il faut ajouter d’autres braves que des liens de famille rattachaient à notre commune. Nous les unissons tous dans un même sentiment de piété et de reconnaissance, comme ils ont été unis sur le front pour repousser le lâche et terrible envahisseur.

Pendant quatre longues années, ils ont souffert tous les maux de la plus terrible des guerres, ils ont combattus avec un courage indomptable pour sauver l’indépendance de la France, pour sauver notre patrimoine et pour nous épargner les malheurs et la honte de la servitude.

Honneur à tous ceux qui ont payé de leur vie leur dette à la Patrie. Sur leur front rayonne la plus pure des gloires. En aucun temps, en aucun pays, des soldats n’ont plus souffert que ceux qui nous pleurons ; aucuns ne sont plus dignes de la couronne du martyre et du culte du souvenir.

Nous avons élevé ce monument pour honorer leur mémoire et pour faire connaître à nos petits enfants les noms de ceux qui sont morts pour sauver la France.

Quelques familles auront la consolation de pouvoir ramener dans notre cimetière les restes de leurs enfants, mais il en est d’autres, malheureusement, à qui il ne sera pas permis de pleurer sur la tombe de leurs morts. C’est ici qu’elles viendront s’agenouiller en souvenir de ceux qui ont illustré leur nom par le plus noble sacrifice. Et vous, jeunes gens, c’est ici qu’il faut venir aux grandes heures de la vie. Vous y viendrez ennoblir votre joie et si vous êtes dans l’adversité, c’est au pied de ce monument que vous puiserez le courage nécessaire pour soutenir la lutte de la vie.

Tous ces braves enfants ont laissé des pères, des mères, des épouses, des orphelins, qui les pleurent. A tous ces parents éplorés, j’adresse, au nom du conseil municipal, au nom de tous les habitants, l’hommage de notre respectueuse sympathie.

Vous avez donné à la Patrie, les êtres qui vous étaient les plus chers, vous avez votre part dans les honneurs qui leur sont rendus en ce jour. Vous sortirez d’ici le cœur meurtir, mais l’âme grandi.

Que ces hommages de reconnaissance, adressés à ceux que vous pleurez, soient pour vous, une suprême consolation.

Quant à moi, qui ai eu l’honneur de les instruire, qui les aimais comme on aime ses propres enfants, - et ils me le rendaient bien -, j’aurai toujours pour eux un souvenir ému et je suis fier d’avoir élevé et formé de si braves patriotes. Et permettez-moi de vous le dire, mes chers amis, ce sera la consolation de mes vieux jours, d’avoir eu des élèves qui ont su faire si noblement leur devoir.

A vous, chers enfants, tombés pour la sainte cause de la Patrie, à vous, qui étiez la fierté de vos familles, et la joie de vos foyers, à vous tous, enlevés à l’âge des plus belles espérances à l’affection des vôtres, à vous tous, mon impérissable souvenir.

Ces derniers mots furent dits avec un accent de poignante sincérité qui provoqua dans l’assistance une vive émotion et souleva d’unanimes applaudissements.

Puis une jeune fille, Mlle Zémire Candelier, dit avec âme une poésie de circonstance : « Aux morts pour la Patrie ».

M. Paul Briou, président des anciens combattants, lui succéda :

Discours de M. Paul Briou

Mesdames, Messieurs,

L’histoire de France a, dans le passé, enregistré bien des guerres. Jamais encore dans le monde entier l’on n’avait vu une catastrophe comme celle qui, de 1914 à 1918, a sévi sur terre, sur mer et jusque dans les airs. Les ruines qui parsèment nos beaux départements du Nord et du Pas-de-Calais, attestent, à côté de tant d’autres, les ravages sans nom dont s’est rendu coupable l’envahisseur.

C’est pour l’arrêter que les enfants de notre région, répondant à l’appel de la Patrie en danger, ont trouvé la mort.

Tels furent, pour notre petite commune, Charles Albert et Demont Augustin, tombés sur le champ de bataille dès 1914 ; le corps de ces braves n’a jamais été retrouvé, mais leurs noms figurent en lettres d’or sur ce modeste monument.

Quentin Lucien trouve une mort glorieuse en défendant vaillamment les ponts de Lambres.

Delayens François, atteint de la fièvre typhoïde, meurt à l’Hôpital de Bar-le-Duc.

A l’attaque de Champagne, en 1915, c’est Lagniez Ernest qui est tué glorieusement en se portant à l’attaque de Souain.

Les soldats au front faisaient leur devoir. Ceux de l’arrière le faisaient aussi, car Sagnier Charles trouva la mort à Razac le 9 septembre 1915, tué d’un coup de pied de cheval.

Le 21 février 1916, l’ennemi se jette furieusement sur Verdun. Mais les poilus sont là ; leurs poitrines lui posent une barrière vivante : « On ne passe pas ». Ce cri fameux fait l’étonnement du monde et la gloire de l’armée française.

C’est dans cette phalange de braves que Bracquart Alcide est grièvement blessé et fait prisonnier ; il a la douleur de mourir au milieu des ennemis au lazaret de Pierrepont, le 1er juillet 1916.

Ne pouvant vaincre l’héroïque résistance que nos poilus lui opposaient, l’ennemi cherche à frapper un peu partout. C’est à Ablaincourt que Briou Fortuné est tué lui aussi sous un bombardement.

Au plateau de Craonne, témoin d’une lutte acharnée, il faut encore que notre cher petit village laisse de ses enfants. C’est à l’attaque de ce plateau que le caporal Thilliez Marcel tombe foudroyé à la tête de son escouade, le 16 avril 1917.

Le 22 juillet 1918, Quintin Louis, après avoir fait presque toute la campagne sans une seule blessure, tombe grièvement blessé ; transporté à l’hôpital de Lagny, il meurt de ses blessures.

De même, Delayens Emile, qui, lui aussi, avait échappé jusqu’au bout, tombe en rentrant de permission, à son poste de combat le 18 août 1918 à Carny-sur-Maltz.

La liste n’est malheureusement pas encore close : l’ennemi, à bout, attaqué partout, commence à reculer ; le poilu de France, aidé de nos vaillants alliés, redouble d’ardeur ; mais il faut encore des victimes. Le vaillant et intrépide sergent Froment Joseph, présent au front depuis 1915, après avoir gagné les galons de sergent, mérité quatre belles et élogieuses citations, tombe frappé d’une balle à la tête de sa section.

Voici, Messieurs, pour notre petite commune, le bilan de quatre années de guerre. Mais hélas ! ce n’est pas encore tout. Après le boche, abattu le 11 novembre, c’est la terrible grippe qui fait ses ravages. Un des nôtres, Charles Louis qui entrevoyait le retour auprès de son épouse et de son fils, est enlevé par l’épidémie le 17 décembre 1918 à l’ambulance d’Urbes.

Vous êtes treize inscrits en lettres d’or sur ce marbre, treize dont nous, combattants, nous garderons toujours le souvenir. Nous entretiendrons avec respect ce modeste monument qui nous rappellera toujours nos chers camarades de souffrances. Si, plus heureux que vous, nous avons pu revenir, nous n’en avons pas moins partagé avec vous les misères et les privations, les nuits d’angoisse au créneaux en guettant le boche perfide, dans la boue des tranchées, et sous les rafales d’obus. La mort vous a réunis, chers camarades, dans ce sacrifice qui nous a valu de gagner la guerre, de sauver la France et l’humanité. A nous maintenant de rester unis pour la relever de ses ruines et la remettre au premier rang.

Chers camarades, en ce jour solennel, nous déposons, au pied de ce monument, une couronne en témoignage de notre reconnaissance et de nos regrets et nous formons le vœu de ne jamais vous oublier. »

Les enfants des écoles d’Houvin-Houvigneul et de Magnicourt-sur-Canche, sous l’habile direction de M. Lemaître, instituteur à Houvin-Houvigneul, interprétèrent de bonne façon, un Hymne aux Morts.

Après quoi, M. Bouillet, conseiller d’arrondissement, prit la parole. Il dit en substance :

Discours de M. Bouillet, conseiller d’arrondissement

Je remercie mon vieil ami, M. Béal, votre dévoué maire, de m’avoir invité à cette belle cérémonie. Depuis près de 50 ans, je viens à Magnicourt, chez mon camarade Amédée Petit, votre excellent et actif conseiller général, votre père à tous. Je suis donc un peu des vôtres, j’ai connu et vu grandir vos enfants, ces héros qu vous glorifiez, et c’est de tout cœur que je suis venu fêter avec vous leur apothéose. Nous n’exalterons jamais assez ces soldats tombés sur le champ de bataille ou engloutis dans les flots, ou morts dans les hôpitaux, comme ceux qui ont succombé dans les geôles allemandes. Ils se sont donnés vaillamment, sans réserve, pour la sauvegarde du pays. Admirons-les !

Ils dorment de leur sommeil glorieux, loin des êtres qui leur étaient chers, mais cette pénible séparation pourra prendre fin. Nos morts pourront revenir au pays natal. Puisse ce rapprochement tant attendu être un adoucissement au chagrin des leurs.

Devant ce monument, symbole de leur héroïsme, devant leurs glorieux frères d’armes, devant les mutilés et les anciens combattants, faisons le serment de garder dans notre cœur leur impérissable souvenir, de demeurer unis pour être forts et conserver intact le patrimoine d’honneur et de gloire qu’ils nous ont légué.

Le sympathique conseiller d’arrondissement termine en adressant l’expression émue de la sympathie de toute l’assistance aux familles des morts.

La Marche funèbre, de Chopin, exécutée par la Musique de Frévent, M. le docteur Théret, de Tincques, conseiller général, s’avança à son tour à l’estrade :

Discours de M. Théret, conseiller général

Après avoir remercié MM Amédée Petit, père et fils, de l’avoir convié à cette cérémonie, M. le docteur Théret s’incline devant les morts de Magnicourt, pour qui notre reconnaissance doit être infinie et éternelle.

Avec une cruauté inouïe, pillant et massacrant, les Allemands ont, en 1914, envahi nos plaines pacifiques. A l’appel du tocsin, tous les Français se levèrent et firent face à l’ennemi en criant : « On ne passe pas ». Dès lors, ce fut la lutte formidable des Géants contre les Titans. Et les Boches ne sont pas passés. Mais aussi, quelles misères, quelles souffrances, quels dangers de toute sorte nos braves poilus n’ont-ils pas connus. Parmi ces braves, étaient les 13 soldats qu’aujourd’hui Magnicourt honore.

Mais à côté d’eux, il faut aussi rendre un éclatant hommage à ceux qui ont survécu aux dangers et aux privations, aux anciens combattants qui sont revenus. Ce n’est certes pas leur faute s’ils ne sont pas morts eux aussi ! C’est grâce à eux si la France a été sauvée, si notre pays n’a pas été détruit. Anciens combattants, s’écrie l’orateur, je vous remercie et je vous bénis.

Oui, vous avez vaincu, mais à quel prix ! 1.500.000 d’entre vous ne sont plus. Ils sont tombés le long de ce front immense, partout où il a fallu qu’ils fassent de leur corps un obstacle à l’avance ennemie. Pour les honorer, on leur élève partout de magnifiques monuments. Mais ces hommages seraient vains si nous ne continuions pas leur œuvre. Ils ne sont plus ! Mais il faut que les coupables de ces crimes abominables soient jugés ! Ceux qui ont causé des dommages doivent les payer, c’est de toute justice ! Il faut qu’on nous fasse justice ; pour cela, il est nécessaire que nous nous unissions, que nous oublions nos divisions. Ainsi, ferons-nous une France plus belle, plus grande et plus forte. Les 13 morts de Magnicourt seraient tombés en vain si nos enfants devaient encore connaître la guerre.

M. Théret termine en faisant appel aux jeunes gens pour le relèvement de la France.

Discours de M. le Sous-Préfet

M. Henri Marais, sous-préfet, succède à M. le docteur Théret. Il remercie M. Amédée Petit et la municipalité de leur invitation et il est heureux de constater une fois de plus combien ses administrés honorent leurs morts.

Il dégage de la cérémonie l’enseignement que celle-ci comporte. Nous avons gagné la guerre et cependant nous avons un traité de paix qui nous désavantage vis-àvis de nos alliés. De graves problèmes restent à résoudre et il est nécessaire que le gouvernement se sente suivi et appuyé de l’unanimité des Français. L’union sacrée la plus large est nécessaire pour l’application intégrale du traité de Versailles.

M. le Sous-Préfet s’incline devant les familles en deuil et termine en s’adressant aux enfants auxquels il demande de se montrer de bons élèves, de bons camarades, de bons enfants, afin de devenir de bons Français, dignes continuateurs de ceux qui sont tombés pour la France.

Après que Mlle Marcelle Demazure, fille de l’aimable adjoint de Magnicourt, eut avec sentiment déclamé une poésie, La France aux Morts, M. Amédée Petit prit la parole au milieu de l’attention générale :

Discours de M. Amédée Petit

On entend, dit-il, répéter de tous côtés que le Français, par sa nature et par son caractère, est un être oublieux. Oublieux, peut-être, du ressentiment et de la haine qu’il doit à ses ennemis, mais non pas de ce qu’il doit aux Morts. Le culte des Morts est, pour lui, sacré ; jamais ce culte ne s’est manifesté avec autant d’intensité qu’au cours de ces trois dernières années.

Depuis la fin des hostilités, ce sentiment est apparu dans toute la force de sa splendeur ; le cœur de tous les patriotes a tressailli de reconnaissance et d’admiration pour les Morts de la Grande Guerre et depuis lors, dans toutes les communes de France, on voit se dresser des monuments comme celui-ci, destinés à perpétuer et à glorifier leur souvenir.

M. Petit félicite le sympathique et distingué pasteur de la paroisse des paroles élevées que celui-ci a prononcées le matin à l’église pour glorifier les morts de Magnicourt. Ils sont treize pour une population de 208 habitants ! de tous ces braves gens, que reste-t-il ? Quelque poussière arrachée à grand’peine au sol des champs de bataille…

Ils ne sont plus là ! Ils ne reverront plus leur vieux clocher ; nous ne les reverrons plus et leurs infortunés parents n’ont plus qu’à pleurer sur leur tombe. Est-il quelque chose de plus angoissant que la situation de ces treize familles et combien sont à plaindre les parents de ces treize héros.

Quand nous pensons à ceux qui se sont dévoués jusqu’à la mort pour leur pays, il faut aussi penser à leur famille, qui, avec eux, ont tout perdu, qui ont vu leur avenir brisé, leurs espérances s’évanouir. Ils ont droit, ces malheureux parents, à toute notre gratitude, à toute notre commisération. Autant que les Morts, nous devons les honorer ; ils ont tout sacrifié pour la salut de la Patrie.

M. Petit ne parlera pas de la situation que la guerre a faite à la France. Il ne veut que se souvenir de ceux qui ne sont plus, qu’il a vus naître, grandir, prospérer ; il ne se sent pas le courage de dire autre chose qu’un éternel adieu à ces braves enfants de Magnicourt.

Nous avons voulu que le monument, sur lequel leurs noms sont inscrits, soit élevé au centre de la commune, à côté de l’école où ils ont grandi, en face du cimetière où reposent leurs ancêtres et où ils reposeront peut-être eux-mêmes.

Si, un jour, certains de ceux qui nous succéderont dans la vie étaient tentés d’oublier, ce monument leur rappellera que si nos soldats ont pu sauver la France c’est qu’ils ont été unis, sans distinction d’opinion, de croyance, ni de condition, les yeux fixés sur le drapeau tricolore. A ceux qui nous suivront de s’inspirer de ce bel exemple donné par nos morts, pour que de ce sang vermeil qui a tant coulé se lèvent de nouvelles moissons de paix, de fraternité et de justices sociales.

La France a traversé de terribles épreuves, la victoire a suivi notre drapeau, mais il nous reste beaucoup de difficultés à surmonter. La France meurtrie ne pourra les solutionner que si elle est grande, forte et puissante, c’est-à-dire si elle est unie.

C’est à nous qu’il appartient de réaliser cette union. Vivons dans la paix et la fraternité, soyons de bons Français et faisons que la bonté et la fraternité ne soient pas de vains mots. Ainsi nous nous montrerons dignes de ceux qui, pendant quatre ans, ont fait l’admiration de l’univers entier.

Longuement, la foule applaudit ces belles paroles. Puis un chant de Gloire à la Paix s’élève ; les choristes de M. Lemaître mettent toute leur âme dans cette interprétation, qui est du reste excellente.

M. Demazure, adjoint au maire, remercie les autorités qui ont répondu à l’invitation du conseil municipal ; les combattants qui ont pris part à l’organisation de la fête ; les sociétés qui en ont rehaussé l’éclat ; M. le Curé, M. l’instituteur, les jeunes gens et jeunes filles, tous ceux et celles qui ont participé à la réussite de cette inoubliable cérémonie.

La Fanfare de Rollepot joue la Marseillaise et le Chant du Départ ; les applaudissements éclatent et le public s’écoule profondément impressionné.

(L’Abeille de la Ternoise, du 27 novembre 1921)



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