Les Poèmes composés à l'occasion des inaugurations de monuments aux morts



DIEVAL

M. Lemaire, instituteur en retraite, lut les vers suivants qu’il a composés pour la circonstance et qui produisirent sur la nombreuse assistance une profonde impression :

« O peuple de héros ! Vous qui pieusement
De sauver la Patrie avez fait le serment,
Et pour elle, sans trêve, affrontiez les mitrailles,
Vous auriez mérité de belles funérailles !
En quel temps, plus fertile en exploits merveilleux,
Fut-il destin plus sombre et sort plus glorieux ?
Comme l’aigle bravant les coups de la rafale,
Vous tombiez, emportés dans la lutte infernale,
Par le nombre écrasés, mais jamais abattus,
Sans cesser de combattre et sans être vaincus.
D’autres vous remplaçaient, opposant leurs poitrines
Au noir débordement des hordes assassines,
Et l’on vit ces Titans qui défiaient la mort
Succomber pour la France et lui sourire encor.
Rien ne put ébranler ces âmes héroïques :
Vous étonniez le monde en des combats épiques
Que nul n’égalera. Car vous êtes plus grands
Que tous les empereurs et tous les conquérants ;
Marque l’endroit béni qui garde leur poussière,
Et disent des vaillants tombés dans les combats
A nos cœurs oppressés le sublime trépas.
Plus que les monuments aux flèches colossales,
Plus que les Panthéons, les vastes cathédrales,
Où dorment les tyrans sous de riches tombeaux,
Vos refuges, poilus, à nos yeux sont plus beaux :
Vous avez le plus haut des temples, le ciel pur
Dont la voûte s’élance au sommet de l’azur,
Où s’allument le soir des millions d’étoiles
Et l’astre de la nui dépouillé de ses voiles
Sous les cieux étoilés ou baignés de soleil,
Dormez paisiblement votre éternel sommeil.
Quel est le monument, unique dans l’histoire,
Qui pourrait en ses mus enfermer votre gloire,
Qui puisse contenir toute la France en deuil
Venant s’agenouiller près de votre cercueil :
Les mères, les enfants, en un morne silence,
Pleurant les êtres chers ; et le cortège immense
D’amis vous apportant, mêlés aux trois couleurs
De nos drapeaux sacrés, les lauriers et les fleurs ;
Les frères, les aïeuls courbant leurs fronts austères,
Et les fils honorant les mânes de leurs pères ?
Votre âme plane encor sur nos champs dévastés,
Sous les débris fumants des fermes, des cités,
Et soufflant en nos coeurs ses haines légitimes,
Vous dit de châtier d’abominables crimes.
Ecoutons cette voix qui gémit sous nos pas :
Oublier, c’est trahir ! Nous ne trahirons pas.
Oui, c’est loi de justice et non pas de vengeance,
Que purger l’univers de l’exécrable engeance,
Qui partout a pillé, tué, violenté,
Redoublé les horreurs de la férocité,
Broyé villes, hameaux, achevé les ruines
Bafoué toutes les lois humaines et divines,
Ne prêtons pas l’oreille aux paroles de haine,
Mais réprouvons le mal pour que l’amour du bien
Fasse l’homme sincère et le bon citoyen ;
Et cet amour sera la semence féconde
Qui pourra seul, un jour, régénérer le monde !
Puisqu’aujourd’hui la paix sourit à l’univers,
Puisqu’à la vérité les yeux se sont ouverts
O peuples, bannissons ces lâches hécatombes !
Assez de morts ! Assez de gibets et de tombes !
Soyons respectueux du sang de nos martyrs,
Et sachons exaucer leurs généreux désirs,
Leurs vœux les plus sacrés. Que cette horrible guerre
Soit pour le genre humain, cette fois, la dernière.
Que devant tant de maux noblement supportés
Se taisent la discorde et les rivalités,
Que grâce à ces héros et par leur sacrifice,
Règnent à tout jamais la Paix et la Justice.
 »



FREVENT

Aux Fréventins Morts pour la Patrie

I
Nous venons tous, au nom de nos familles,
Vous ériger un glorieux souvenir,
Sur une place, au milieu de la ville,
A vous, héros, qui sûtes bien mourir,
Ainsi, longtemps, ô martyrs héroïques,
Soyez certains que nous nous souviendrons
Que, pour Frévent et pour la République,
Vous tombâtes dans des combats sans non

Gloire à vous, qui, là-bas,
Dans de sanglants combats
Donnâtes votre vie
Pour la grande Patrie !
Vous avez droit à l’Immortalité
Héros ! Sauveurs de notre liberté !

II
C’est grâce à vous, à votre sacrifice,
Que le pays est encore debout.
Car, vous avez défendu la Justice
Contre l’orgueil d’un despote jaloux.
Et désormais nous gardons la mémoire
De vos peines, de noble votre élan.
Vous resterez inscrits tous dans l’histoire
Au livre d’or de notre vieux Frévent.

III
Et c’est nous tous, les poilus de la guerre
Qui, revenus par miracle au pays,
Et connaissons mieux que tout les misères
Que vous subites d’un cœur aguerri.
Or, nous voulons, ô vaillants fils de France
Que chaque année on vous porte des fleurs
Nous vous ferons en nos jours d’espérance
A chaque fête une place d’honneur.

IV
Et nous, veuves de ces nobles victimes,
Nous nous unissons aux vielles mamans
Pour perpétrer leur souvenir sublime
Au fond du cœur de leurs pauvres enfants.
Quoi de plus triste, hélas ! que perdre un père
En temps de paix quand il gagnait du pain ?
Quoi de plus beau que de mourir en guerre
Pour défendre les droits de son prochain ?

O. DUCATEL

(L’Abeille de la Ternoise, du 28 septembre 1919)


Aux Fréventins, Morts pour la France, par Tervane, collaborateur à l’Abeille de la Ternoise.

Ces vers sont lus au cours de la cérémonie et au pied du monument par un élève de l’école communale de garçons.

Enfants aimés de Frévent-Rollepot,
Fils de Cercamp et fils de Thibauville,
O vous si fiers sous les plis du drapeau,
Vous dont la gloire auréole la ville,
Sur votre tombe, où nous jetons des fleurs,
            Nous saluons vos noms sublimes,
Noms de héros d’indomptable valeur,
            Plus grands que les plus hautes cimes,
            Noms de poilus, noms de vainqueurs,
                        Noms gravés dans nos cœurs !

Nobles soldats du vieux pays d’Artois,
Soldats sans peur, fermes sous la mitraille,
Avec Pétain vous avez sans émoi
Vaincu le Boche en plus d’une bataille.
Les Gars du Nord dans chaque section
Se distinguaient par leur belle vaillance.
On les trouvait au fort de l’action.
Tous avec eux marchaient sans défaillance,
                        Plein d’abnégation.

Gloire à vous tous, ô soldats Fréventins,
            Que chacun révère en cette heure !
Vous avez fait l’humanité meilleure,
            Du pays plus beau le destin.
                        Grâce à votre bravoure,
            Superbes soldats de chez nous,
            De respect la France s’entoure.
            Honneur, honneur et gloire à vous !

(L’Abeille de la Ternoise, du 9 juillet 1921)

SAVY-BERLETTE

Poésie de M. de Wazières

M. de Wazières s’avance ensuite, et, du haut de la tribune, déclame la poésie suivante qu’il a composée à la gloire des enfants de Savy.

Aux héros de Savy Morts pour la France

Soldat de ce pays … Que ce beau monument
Nous rappelle toujours le terrible moment !..
Qu’il nous dise toujours la sublime vaillance
Des braves de Savy tombés pour notre France.

Vainqueurs ! … de vos tombeaux guidez votre victoire …
Que votre sacrifice, auréolé de gloire
Ait plus d’un résultat : Qu’il dise aux survivants :
« Soyez unis … toujours … pour rester triomphants.

Tous ici sur leurs cœurs ont apporté leur pierre
Pour graver vos hauts faits, votre cran téméraire
Domptant un empereur ! Si Guillaume, écumant …
Ne comprend pas encore votre geste étonnant.

Si notre liberté maintient sa belle forme
Si notre mère France a conservé son air
Libre, fière et grande, à qui le devons-nous ?
A vous ! Poilus sauveurs remerciés à genou !

Vous étiez nos bonheurs. Dans la raison de vivre
Vous nous donniez à tous, toutes les joies qu’enivre
Le secret du foyer … Vous nous donniez à tous, 
Mères, pères, enfants, les espoirs les plus doux !

A l’appel du clairon, partis malgré nos larmes,
Pas un n’a reculé … Ne faut-il pas des armes
Pour défendre les siens des pires attentats ?
Pour sauver la Patrie, en protégeant l’Etat.

C’est leur sang valeureux mères infortunées !…
C’est leur amour sincère, épouses éplorées ! …
Qui vous donne en ce jour avec leur souvenir,
La fierté de leurs noms, l’espoir dans l’avenir.

L’espoir, malgré nos deuils ! … N’avons-nous pas en France …
Au plus profond du cœur un germe de vaillance ?
Ce germe qui grandit au milieu du danger
Et groupe nos héros, quand paraît l’étranger ?

Un pays ne meurt pas, quand il sait du miracle
Atteindre la merveille !… Il doit rester l’oracle
Dictant nos volontés, la vie est un combat …
Même pendant la paix, il faut rester soldat.

Il faut rester soldat pour éviter la guerre ! …
Imposer le silence à l’arme meurtrière,
Pour profiter sans peur du miracle accompli
Et savoir maintenir notre drapeau sans plu.

Amis, réfléchissons. Depuis notre victoire
Des jaloux sont venus, jaloux de notre gloire.
Et, cependant, sans nous, sans ces vaillants soldats,
Rachetant de leur sang, l’erreur de leurs combats,

Où seraient ces jaloux ? Surtout si notre « Tigre »
N’avait pas, à Doullens, de cette voix qui vibre,
Lancé son quos ego … forçant nos bons alliés
A se laisse guider pour ne plus reculer.

Si l’âme des « poilus » lestes comme la foudre
N’avait pu s’élancer pour refaire et recoudre,
Où seraient ces jaloux, sans Foch et Castelnau,
Sans Pétain, sans tous ceux choisis par Clemenceau ?

- Au fin fond de la Manche ! – un autre bon ministre
Résiste à nos jaloux, il veut qu’on enregistre
La force des vainqueurs. Allons, amis anglais,
Laissez-nous réparer des brigands les méfaits !

Français, serrons les rangs ! … Soyons comme à la guerre …
Marchons main dans la main pour sauver notre terre.
Devant le monument, jurons sur nos vainqueurs
De maintenir bien haut la force de leurs cœurs.



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