TENEUR

Le monument aux morts de TENEUR

Inauguration du monument aux morts de Teneur


Bravo aux habitants de la commune de Teneur ! Bravo à son dévoué Maire et au conseil municipal ! La cérémonie de dimanche comptera parmi les plus belles, et elle fait honneur à tous ceux qui l’ont organisée.

Dès trois heures, une foule considérable venue de Teneur (toute la commune était là, d’Anvin et des environs se trouvait rassemblée au pied du très beau monument, élevé sur un carrefour, à la mémoire de nos glorieux soldats. Le cortège officiel, précédé de la section des pompiers d’Anvin, admirables de tenue, arrive sur les lieux de la cérémonie. M. Henri Marais, sous-préfet, est entouré de M. le Maire de Teneur ; du conseil municipal ; de M. le Maire d’Anvin et des conseillers municipaux de cette localité. M. le Curé de Teneur est également présent dans le cortège, qui comprend les enfants des écoles, les vétérans d’Anvin et les anciens combattants. On remarque aussi les parents des soldats morts et leurs orphelins.

Une sonnerie de clairons : tout le monde se découvre. Un poilu fait l’appel des morts ; les enfants des écoles répondent après chaque nom : « Mort pour la France ! »

Le moment est impressionnant. Puis M. le Curé, après avoir béni le monument, prononce une fort belle allocution patriotique.

M. Demazure, délégué des vétérans d’Anvin, prononce alors le discours suivant :

« M. le Capitaine Vincent, officier de la Légion d’Honneur, Président de la 1655e Section d’Anvin des Vétérans des Armées de Terre et de Mer, étant retenu pour un autre service, à date fixée antérieurement, j’ai, par droit d’âge et de grade, l’honneur et l’agréable mission d’amener, au pied de ce monument élevé par la municipalité, les délégués vétérans avec notre drapeau pour saluer les enfants de Teneur, morts pour le salut de la Patrie.

Les drapeaux des Vétérans ont pour devise : « Oublier jamais » ; c’est sur elle que se basent mes paroles.

La fête de ce soir n’est pas une cérémonie de deuil, elle doit être l’hommage de gratitude et la glorification de ces héros, du devoir patriotique qui, avec les poilus et les mutilés qui m’entourent, ont par leur abnégation, leur courage, leur endurance et leur vaillance, servi la cause de l’humanité et de la justice, et sauvé la France du plus effroyable désastre, réparé la honte de 1870-71 et rendu à la mère patrie l’Alsace et la Lorraine. Ce monument et ses accès sont très beaux, on voit que tout le monde en a mis un peu ; bravo tous les habitants, bravo le conseil municipal. Bravo M. le Maire ; vous débutez par un coup de maître ! Un bravo spécial à Olivier Oudart ! On voit que tu es vétéran ; tu n’as rien oublié pour la réussite de la fête.

Que cette pierre consacrée soit à jamais respectée, surtout par les enfants. Qu’on n’oublie jamais de la saluer en passant, que les mères, les épouses, les fiancées, les sœurs viennent souvent avec des fleurs y retremper l’affection et l’estime qu’elles garderont à ces chers défunts dont elles ont fait le sacrifice sur l’autel sacrée de la Patrie ; à force d’y revenir prier, parler à leur âme, elles trouveront un baume à leurs blessures, sans oublier jamais ces héros immortels. »

Après M. Demazure, le président des Anciens combattants d’Anvin, M. Caron, prend ensuite la parole en ces termes :

« Mes chers camarades, Mesdames, Messieurs,

Le groupe d’Union Nationale des Combattants dont j’ai l’honneur d’être Vice-Président ayant tenu à assister à la cérémonie d’inauguration du monument dédié aux camrades de Teneur morts pour la France, je croirais manquer à mon devoir en ne disant pas ici ce que la circonstance m’inspire.

Parti avec ceux dont les noms sont inscrits sur ce monument, ce n’est pas sans un grand serrement de cœur que je reviens dans cette commune où la guerre a laissé tant de places vides.

Ces jeunes hommes, ces jeunes gens partaient gaiement à la frontière, laissant tout ce qui leur était cher, pour voler au secours de la France si lâchement attaquée.

Tous ont fait vaillamment leur devoir, tous sont morts bravement tombés à l’ennemi.

Ce monument qu’une municipalité reconnaissante vient de faire élever sur cette place publique, perpétuera à jamais la mémoire des braves dont les noms sont sous vos yeux, disant au passant : Salut aux morts de la grande guerre.

En terminant je dirai aux veuves, aux pères et mères, aux enfants qui pleurent ici, un mari, un fils, un père : « Chers Amis, nous partageons votre peine, vous n’êtes pas seuls à pleurer vos chers morts ; leur souvenir restera vivace en nos cœurs, et, par delà la tombe, nos frères d’armes verront que nous restons fidèles à la devise des combattants : Unis comme au front. »

C’est au tour de M. le maire de Teneur qui prononce les paroles suivantes :

« Monsieur le Sous-Préfet, Mesdames et Messieurs, Chers Concitoyens,

Appelé de par mes fonctions à prendra la parole au pied de ce monument, ce serait manquer au plus élémentaire devoir, si je ne vous priais pas d’accepter les plus vifs remerciements de l’Assemblée municipale de Teneur que j’ai le grand honneur de représenter.

1914 ! Cette date sonne encore comme un glas et le tocsin de notre église n’ont pas encore oublié 1915, 1916, 1917 ! s’égrènent comme un chapelet de misères librement consenties et courageusement acceptées. 1918 ! avec la dernière ruée du boche, l’aurore sublime de la victoire ; le jour béni où enfin, débarrassés de l’immonde brute, nous avons pu croire à la tranquillité.

Mais hélas ! cette période a été marquée par trop de croix noires, et cette liberté pour laquelle nos pères se sont fait tuer en 1793, nos fils à leur tour ont dû pour la conserver verser le plus clair de leur sang.

Mon cher Teneur, petit coin de terre dans cette grande France ; combien de tes enfants ont payé cette liberté de leur vie.

Où reposent nos frères, nos enfants, nos pères ? Dans cette fournaise infernale, ils sont allés sans regret, sans hésitation. On leur avait demandé de songer à la grande Patrie menacée. Pas un n’a murmuré, et c’est face à l’ennemi que tous sont tombés.

Je n’entreprendrai pas de retracer ces cinq années de guerre ; d’autres voix plus autorisées que la mienne vous le diront.

Pour nous, anciens poilus, soldats de notre chère France, toujours nous apporterons aux chers disparus l’hommage de notre profonde et fraternelle gratitude.

Dormez en paix, braves camarades ; vos enfants, vos femmes, vos vieux parents continueront à vivre à l’abri des besoins, nous veillerons sur tous les vôtres avec d’autant plus de sollicitude que c’est par miracle si nous n’y sommes pas restés nous mêmes. En soldat, je fais le serment, au nom de tous les habitants de Teneur, de conserver ce monument digne de ceux aux noms desquels il est élevé.

Vive Teneur, Vive la France immortelle. »

Enfin, M. Henri Marais, sous-préfet de Saint-Pol, dans une allocution très écoutée, remercie la municipalité d’Anvin de l’avoir convié à cette cérémonie patriotique ; il glorifie nos Morts, salue les parents, les orphelins ; les assure de toute la sollicitude du Gouvernement ; puis il fait appel à l’union de tous les bons Français, à l’esprit de discipline qui nous fera gagner la victoire économique, après celle des armes.

Les enfants des écoles de Teneur, fort bien dirigée par leur dévouée institutrice, exécutent alors des chœurs de circonstance ; de gracieuses fillettes, costumées en alsaciennes, viennent dire des poésies, puis déposent des gerbes de fleurs au pied du monument.

La cérémonie est finie ; chacun s’en retourne fortement impressionné, et plein de reconnaissance à nos vaillants poilus, morts en héros.

Un vin d’honneur fut ensuite offert aux autorités, à la Mairie. Ce fut, nous le répétons, une très belle cérémonie qui se déroula, dimanche, à Teneur, et dont tous les assistants conserveront un vivace souvenir.

(L’Abeille de la Ternoise, des 21 et 28 mars 1920)


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