Le monument aux morts de VALHUON
Dans la presse de l'époque...
L’inauguration du
monument aux
morts de Buneville
Source : Le Journal de Saint-Pol, du 25 avril 1926
Dimanche a eu lieu, à Valhuon,
l'une des communes les plus importantes du canton d'Heuchin,
l'inauguration du monument aux morts. Cette commune, qui ne compte
guère plus de 550 habitants, avait tenu à honorer dignement ses neufs
enfants morts pour la France.
Dans le cortège, qui se forma pour se rendre au monument, on remarquait
MM Rousillon, sous-préfet ; Théret, sénateur ; Salmon, député,
conseiller général du canton d'Heuchin et le chanoine Bridoux, grand
blessé de guerre.
Des fillettes toutes vêtues de blanc, déposèrent une gerbe au pied du
monument. Puis un hymne fut chanté par les enfants des écoles, une
poésie récitée par une jeune fille et un garçon de la commune.
M. le chanoine Bridoux, aveugle de guerre, au nom des mutilés et
combattants ; M. Salmon, au nom du canton d'Heuchin ; M. le sénateur
Théret et M. Roussillon, sous-préfet, rendirent un émouvant hommage aux
enfants de Valhuon, qui firent le sacrifice de leur vie pour la plus
noble des causes.
M. Duhautoy, maire, remercia les autorités, et des vins d'honneur
furent ensuite servis aux personnalités et aux Sociétés venues à
Valhuon.
Voici, in extenso, le discours prononcé par M. Roussillon, sous-préfet de Saint-Pol :
"Messieurs,
Il est particulièrement émouvant pour un Sous-Préfet, ancien combattant
de prendre, pour la première fois, contact avec les habitants de
Valhuon, au cours d'une cérémonie solennelle qui réunit tous les coeurs
et qui évoque la grandeur de la Patrie.
Je suis très fier, pour ma part, de l'honneur qui m'échoit, dès
l'abord, de rendre hommage aux héroïques sacrifices et aux vertus
incomparables des enfants de Valhuon, glorieusement tombés pour le
salut du pays.
Maintenant que la paix bienfaisante a pansé beaucoup de nos blessures,
que les foyers de notre vie se reconstituent, nous aimons à élever nos
coeurs dans une pensée de reconnaissance et de fierté vers ceux qui ne
sont plus là pour goûter les fruits de leur héroïque constance. Peu à
peu, dans les champs de repos ou sur les places publiques s'élèvent des
témoignages de marbre ou de bronze dont on ne peut dire s'uls marquent
plus de fierté pour les héros, plus de tendre sympathie pour ceux qui
les aimaient, plus d'espérance dans les immortelles destinées du pays.
Tous, vous avez senti le besoin de consacrer à jamais à leur mémoire un
monument digne d'eux. Ce monument,le voici profondément émouvant dans
sa simplicité, d'une inspiration si noble, symbole de notre
reconnaissante, témoignage d'un élan unanime et attendri. Vous avez
voulu que le souvenir de ces grands morts, dont beaucoup sans doute
dorment aux hamps mêmes où ils tombèrent, fut pieusement évoqué sur la
Place publique de la Cité. Par l'effet de cette touchante pensée ne
seront-ils pas associés à toutes les joies, à toutes les douleurs, à
tous les frémissements de votre population.
Il n'est de pas de souvenirs tragiques du passé qui soient à la taille
de l'histoire que nous avons vécue, dans l'horreur de la tourmente de
1914 à 1918 ? Ceux qu'elle évoque dans l'énormité de la lutte, ce sont
ceux d'épreuves surhumaines, subies sans défaillance, grâce à une force
d'âme jusque là inconnue, dans la brutale activité du combat où dans
l'obsédante monotonie de la tranchée. Que de jeunes forces disparues,
que de carrières brisées, que d'éléments de progrès et de source
d'énergie à jamais abolis. Devant la terrible menace, la France avait
besoin des plus forts, des plus ardents, des plus utiles de ses fils.le
pays doit à ces héros la vie et l'honneur, l'exemple du dévouement
suprême et du désintéressement.
Pour avoir écrit cette sublime leçon, les combattants de Valhuon ont
droit à notre reconnaissance éternelle ; avec douleur, nous songeons
que ceux qui l'ont payée de leur vie ne sont pas moins de 9.
Ce chiffre dit assez le lourd sacrifice que votre cité, de 558 âmes, a
consenti au salut de la France. Maice ce qu'il inspire aussi, c'est
laplus ferme espérance dans l'immortelle destinée de la Patrie.
Que brusquement, à son appel, tant de citoyens arrachés aux
préoccupations pacifiques de l'existence journalière, lui aient fait
avec résolution l'offrance de leur sang, c'est pour nous le gage le
plus magnifique de son radieux avenir.
Vers cet avenir, si lourd encore des préoccupations de la guerre, il
est nécessaire que nous nous tournions avec confiance. Certes, le plus
difficile est accompli, mais c'est à nous désormais qu'il appartient de
veiller sur le patrimoine acquis et conservé au prix de tant de sang.
Vous tiendrez tous, j'en suis convaincu, à vous montrer les ouvriers
ardents et infatigables de cette tâche de reconstruction nationale, sur
laquelle plane encore le nuage obsédant du péril financier. A l'heure
où, de toutes parts, riches et pauvres, particuliers et collectivités
rivalisent d'initiatives généreuses, apportant avec élan leur modeste
ou puissante contribution à l'oeuvre de revalorisation de notre devise,
vous, habitants de Valhuon, père, fils ou frères des héros dont vous
célébrez l'immortalité, entendrez, sans nul doute l'appel que vous
adresse la France d'une voix angoissée.
En cette heure solennelle, où l'âme de la patrie palpite autour de
nous, je vous demande sous l'empire de l'émotion sacrée qui vous
étreint, de proclamer que le sacrifice de vos morts n'aura pas été vain.
Que penseraient-ils, les héros de la Marne, de l'Yser, de Verdun et du
Chemin des Dames si, du ciel de gloire où les a placés l'épopée, ils
voyaient leurs survivants, leurs frères, succomber aujourd'hui dans une
misérable bataille d'argent.
En me tournant enfin vers les malheureuses vitimes de la guerre :
mutilés, mères, veuves et orphelins, rangés autour de ce monument comme
les statues vivantes de la douleur qu'il me soit permis de saluer, avec
toute la foi enthousiaste d'un ancien combattant, l'aube de paix dont
les premières éclairent l'horizon et font tressaillir l'humanité
d'espérance."