Une cérémonie émouvante

paru dans Le Télégramme, du 1er décembre 1914

Le général Maud’huy remet la croix de la Légion d’Honneur et la médaille militaire à des officiers et à des soldats

(de notre envoyé spécial)

Dimanche 20 novembre restera certainement un jour mémorable pour la petite ville de Saint-Pol.

Par un temps splendide et tout ensoleillé, une cérémonie imposante de prise d’armes vint, ce jour-là, se dérouler sur la grande place de la localité saint-poloise.

Un peu  avant 10 h toutes les fenêtres des maisons avoisinant la place commencèrent à se garnir d’une foule de curieux. Hommes, femmes, enfants, vieux et jeunes accouraient de tous les côtés pour assister à la cérémonie.

Mais voilà qu’un à un des détachements de troupes commencent à se concentrer et à se former en carré sur la place. Les Spahis, dont les figures bronzes et mâles se dégagent en relief bizarre et caractéristique sur le fond blanc des burnous, sont suivis de dragons, coiffés de leurs casques ; et ceux-ci de chasseurs alpins avec leurs bérets pittoresques. Et ainsi toutes les armes venaient prendre leur place, donnant un cachet imposant à cette petite place, qui voyait certainement pour la première fois un tableau si émouvant.

Tous sont, enfin, réunis. Un « garde à vous » lancé par une voix sonore impose volontairement le silence.

C’est le général de Maud’Huy qui arrive, entouré de son état-major. Il est suivi de son fanion et du drapeau des chasseurs alpins.

Le général passera la revue et remettra les distinctions honorifiques aux dignes fils de la Patrie reconnaissante.

De taille plutôt petite, le général a une figure très énergique et excessivement sympathique. Tout respire en lui le chef qui sait commander et entraîner ses hommes.

La revue passée, le général vient se mettre au milieu de la place. Entouré de son état-major, il se place vis-à-vis des officiers, auxquels il va remettre les décorations et donner l’accolade d’usage.

Le premier de ces vaillants est le colonel de Marquant, des chasseurs alpins. Ce brave soldat, adoré, paraît-il, de ses hommes a été gravement blessé à la jambe, dans des circonstance que les journaux ont déjà relaté.

Il boîte et s’avance en s’appuyant fortement sur sa canne.

On sonne au drapeau.

- Ouvrez le ban ! ordonne le général.

Les armes sont présentées.

En un clin d’œil, le silence s’établit. Il n’est troublé que par le piaffement des chevaux et le cliquetis des sabres.

Soudain une voix mâle, chaude et pénétrante s’élève, dominant la place.

C’est le général qui parle.

De sa voix, habituée au commandement, il dit au colonel :

- Au nom du Président de la République, et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous fais officier de la Légion d’Honneur.

Cela dit, il agraffe la décoration sur la poitrine du brave, lui donne ensuite un petit coup du plat de son épée sur l’épaule et termine par l’accolade traditionnelle.

A ce moment même une salve spontanée d’applaudissements, entrecoupés d’acclamations retentit de toutes les maisons, de toutes les fenêtres.

Ce sont les Polois qui rendent leur hommage au brave défenseur de la Patrie.

La même cérémonie a lieu pour les autres officiers décorés.

Arrive maintenant le tour des Spahis décorés de la médaille militaire.

Quel spectacle !

A leur appel, plusieurs dizaines d’entre eux s’empressent de quitter leurs montures pour venir se ranger devant le général. Il ne reste presque plus d’hommes à cheval dans leur rang.

La cérémonie commence. Pour chacun de ces braves on sonne au drapeau, on ouvre les bans et on présente les armes.

Ils sont enfin décorés.

La Patrie a récompensé leur bravoure. Une fois tout le monde à sa place, les troupes défilent devant le général.

Puis, peu à peu, la place qui servit de théâtre à une cérémonie aussi majestueuse, commence à reprendre sa physionomie habituelle.

J. MERCIER


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