Nos localités dévastées : Saint-Pol et Saint-Michel
paru dans Le Télégramme, du 19 mars 1919
Nos localités dévastées : Saint-Pol et Saint-Michel-sur-Ternoise
(de notre envoyé spécial)
Saint-Pol
Au
fond de la vallée qu'arrose la Ternoise, abritée par les bois de
Saint-Michel, on aurait pu penser que la petite ville de Saint-Pol
aurait été épargnée par l'ennemi. Il n'en fut rien ; et ce dernier,
établi à environ 25 kilomètres, à Cuinchy, La Bassée, Lens, ne ménagea
pas à la paisible cité agricole ses plus mauvais coups.
A cet
effet, ses artilleurs utilisant de grosses pièces et ses aviateurs la
prirent à maintes reprises comme cible, faisant pleuvoir sur elle des
averses de mitraille.
Tous les quartiers de Saint-Pol portent
encore et garderont longtemps les marques des multiples bombardements
dont ils furent l'objet, principalement les 21, 23 et 24 mars 1918, et
qui firent 17 victimes parmi la population civile et provoquèrent la
mort d'un nombre assez important de soldats britanniques.
Les
déga^ts les plus considérables furent causés à l'Hôtel du Commerce,
près de l'Eglise, et qui a été complètement détruit, à la maison de M.
Lemaire, tailleur, face à la Mairie, à trois maisons ouvrières, rue de
la France.
Les rues Wathieumetz, du chemin de fer, des Fonds
Viviers, la route de saint-Michel, l'Hôtal Labroy, la rue d'Hesdin,
souffrirent également d'un manière tragique, ainsi que l'abattoir,
l'épicerie Depierre, place du Marché aux bestiaux. Un des gazomètres de
l'usine à gaz fut totalement défoncé, sans heureusement exploser.
Ce
sont les escadrilles d'avions qui firent le plus de mal à ces derniers
immeubles et les bombardements par pièces à longue portée provoquèrent
d'importantes détériorations à l'Hôtel du Commerce, à la rue de la
France et à la maison de M. Lemaire déjà mentionnés.
Quant au bois
de Saint-Michel, il est rempli de trous d'obus. La ligne de chemin de
fer se trouvant à l'orée du bois a été principalement visée par les
boches, mais fort heureusement les nombreux croisements de voies
ferrées ne subirent que des dommages sans grande importance, et qui
furent rapidement réparés. Les ponts ne furent jamais atteints.
Dans
chaque rue on voit les traces laissées par les projectiles qui y
tombèrent, mais le quartier de la gare est parmi ceux qui comptent le
plus de toitures et de fenêtres défoncées.
A Saint-Michel
Ce
petit village, dont on n'a jamais parlé, a aussi souffert du feu des
boches. Plusieurs immeubles ont eu leurs toitures arrachées, hâchées,
et leurs vitres pulvérisées par les éclats des projectiles tombant
autour du pays avec une telle abondance que beaucoup d'habitants
prirent la décision de fuir leur foyer dont ils purent craindre un
instant la destruction totale.
Hélas ! pendant leur absence,
beaucoup d'objets mobiliers tentèrent certains individus peu scrupuleux
qui profitèrent de la calamité accablant cette malheureuse population
pour s'enrichir à son détriment. Aujourd'hui, ceux à qui un tel
préjudice a été causé, rentrent et constatent avec une amère douleur
tout ce qu'ils ont perdu. Aussi ces braves gens (ils nous l'ont dit et
répété), ont hâte de voir les dégâts qu'ils ont subi régulièrement
constatés, afin que plus tard on ne vienne pas contester l'indemnité
qu'ils réclameront et à laquelle ils ont légitimement droit ; soit
qu'ils aient eu leur maison en partie démolie, soit que leurs meubles
aient été enlevés ou encore aient été détériorés par les troupes qui
ont cantonné chez eux.
Il est indispensable comme nous l'écrivait
dernièrement à ce propos un notable du pays, que le Sénat vote à bref
délai la loi sur les dommages de guerre, que la Chambre des Députés
vient de lui renvoyer, revue et corrigée.
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